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triompher ses opinions, comme si c’était ainsi qu’on sert la vérité, d’usurpateur des pouvoirs publics qui s’arroge ce droit de décider qui est le domaine de tous, comme si la vraie doctrine avait plus à gagner aux emportemens de l’audace qu’à la raison calme et au respect des règles ; « mais, ajoute l’empereur, la tranquillité de l’église nous est chère, sois-en bien sûr, et sache bien aussi que c’est à toi que nous attribuons les perturbations qui nous affligent. »

Il continue en ces termes : « Comment nous étonnerions-nous de te voir accaparer pour toi seul ce qui appartient au corps entier des évêques, quand tu portes ton humeur inquiète et ton insolente curiosité jusque dans la demeure de tes souverains, pour tâcher d’y semer la discorde entre un frère et une sœur ? Si tu n’avais pas cru qu’il existât entre eux quelque dissentiment qui pouvait être envenimé, ou si tu n’eusses pas conçu l’espoir d’en faire naître, pourquoi, je te le demande, aurais-tu écrit séparément d’un côté à nous et à notre très religieuse compagne l’impératrice Eudocie, de l’autre à notre très pieuse sœur Pulchérie Augusta, dont on sait le zèle ardent pour la foi ? Que si par hasard quelque mésintelligence avait existé entre nous, si nous avions été aigris les uns contre les autres, comme tu le supposais, quelle réprobation n’encourrait pas celui qui, éloigné de nous par un si grand intervalle de pays, serait venu scruter indiscrètement des choses qui ne le regardent pas ? Que si au contraire rien de pareil n’existe, est-ce le fait d’un prêtre de se faire agent de discordes domestiques ? L’indice de cet esprit turbulent, de ce zèle coupable qui t’anime, nous le retrouvons dans tes efforts pour brouiller l’église, de même que tu voulais brouiller le palais de tes princes ; diviser est en effet ta plus chère ambition, et tu y places l’on orgueil.

« Maintenant ne te dissimule pas que tes manœuvres échoueront, que l’église et l’empire resteront unis, le Christ, notre Sauveur, aidant, et notre autorité ne cessant point d’agir pour la paix. Apprends que nous te pardonnons afin que tu n’ailles pas prétendre, vu les reproches particuliers que tu mérites de nous, que l’on te persécute à cause des livres où tu crois défendre la vérité. Ces livres, je laisse au concile le soin de les juger ; mais je ferai exécuter strictement ce qu’il aura résolu. Tu feras sagement de ton côté en te soumettant à ce jugement, si tu ne veux y être contraint, et en te rendant au concile dans le délai fixé par la lettre de convocation. Ce sera le moyen de regagner ma faveur et de prouver que les actes acerbes et inconsidérés par lesquels tu as voulu soutenir ton opinion n’étaient pas le fruit d’une animosité personnelle. Montre-nous que de ton plein gré tu es décidé à te soumettre à la loi, et pense que, s’il en était autrement, je ne le souffrirais pas. »