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et le droit d’association est transférée aujourd’hui des états du sud à l’empire. Toute accusation de trahison est portée devant la cour d’appel suprême des trois villes hanséatiques; les Bavarois peuvent donc désormais être soustraits à leurs juges naturels. L’annexion pure et simple aurait été moins coûteuse que le semblant d’indépendance laissé aux états du sud. « Nous sommes des porteurs d’actions, dit-on en Bavière, auxquels on a laissé les gravures du titre après avoir détaché les coupons. » Lorsqu’il s’est agi de ratifier les traités de Versailles, les protestations de l’opposition furent étouffées. Les orateurs unitaristes s’écrièrent : « Bon gré, mal gré, nous sommes embarqués; nous ne pouvons descendre au milieu de la traversée. » D’autres ajoutèrent : « Ne murmurons pas, on ne doit pas médire de sa fiancée quelques jours avant la noce, lorsqu’on est décidé ou contraint au mariage. » L’accueil fut très froid au Reichstag lorsqu’on proposa de substituer le mot empire à celui de confédération. Les débats s’ouvrirent par ces paroles du député Windthorst : « Je crois que la proposition qui vient de nous être soumise n’est en aucune façon un sujet de gaîté. » Si les événemens avaient été moins incertains, peut-être eût-on repoussé les traités de Versailles. M. de Bismarck mit tout en œuvre pour les faire adopter. Il laissa entendre que, si on les rejetait, la paix pourrait être compromise, et fit partir pour Berlin, afin de s’assurer la majorité, les députés dévoués qui se trouvaient en campagne, soit dans l’armée active, soit dans les emplois administratifs ou les ambulances. Il n’assista pas lui-même aux débats, mais il prit soin d’annoncer par télégramme au ministre de l’intérieur, comte d’Eulenbourg, qu’il se retirerait, si les traités n’étaient pas acceptés sans modification; « toutefois, ajoutait-il, avant de donner ma démission, je dissoudrai le Reichstag, et je veillerai à ce qu’aucun des députés hostiles ne puisse être réélu. » Un seul sentiment a déterminé tous les Allemands à faire de pareils sacrifices, c’est la crainte de la France. A la fin même de la guerre, au point culminant de leurs succès (janvier 1871), la France paraissait encore si redoutable que les députés de tous les partis n’ont eu qu’une voix pour faire de leur pays « une grande caserne, » pour accepter, même en temps de paix, les charges d’une armée permanente formidable. Après la victoire, chacun paraissait sentir que la France n’avait été abattue que par surprise, et craindre que les triomphes de l’Allemagne ne fussent éphémères.

La question du schisme se complique donc étrangement par le fait de ses connexions avec le mouvement national; mais c’est là plutôt une apparence qu’une réalité. En France, l’ultramontanisme dénonce le danger de l’unification germanique caché sous le con-