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témoignages, qu’il ne pensât comme le corps entier des évêques. « N’insistez donc pas, ajoutait-il, sur une question si peu grave pour vous et qui trouble la paix de l’église, ne méprisez pas la conscience de tant de frères que vous blessez avec si peu de sujet ; on est mauvais juge dans sa cause. Réunissez autour de vous quelques-uns de vos amis pour qu’ils vous conseillent en toute liberté non ce qui vous serait le plus agréable, mais ce qui leur paraîtrait le plus utile : ils trouveront bien moyen de vous tirer d’une affaire si fâcheuse. Le terme de dix jours que nous savons vous être prescrit par le pape est bien court assurément, mais il est encore assez long pour que la réflexion vous amène à employer un mot autorisé dans l’église et qui doit y rétablir la paix. »

Cette lettre toute paternelle toucha Nestorius ; cependant il n’en suivit pas complètement les avis. Dans une réponse pleine de respect, il persista à récuser le mot de mère de Dieu comme apollinariste ; mais il abandonna en même temps celui de mère de l’homme comme inclinant trop vers Paul de Samosate, et il proposa son moyen terme de christotocos, mère du Christ, sur lequel il avait déjà sondé l’opinion du pape. « Personne, disait-il, ne peut condamner cette expression, personne ne niant et ne pouvant nier que Marie ne soit la mère du Christ. Or, si le Christ, ainsi que je le professe, renferme les deux natures, sa mère est à la fois mère de Dieu et mère de l’homme, sans qu’on puisse, par l’exclusion de l’un ou de l’autre titre, paraître favoriser l’hérésie de Paul de Samosate ou celle d’Apollinaire. » Jean repoussa cette échappatoire comme avait fait Célestin. « Le mot de mère du Christ, répondit-il, ne se trouve point dans les pères, encore moins dans les Écritures, et ne semble créé que pour éviter la reconnaissance d’un terme traditionnel et sans danger. » Malgré l’obstination de Nestorius, il avait fait un pas, et Jean espérait bien l’emporter, lorsque l’arrivée des envoyés de Cyrille gâta tout.

Ils prirent terre à Constantinople un samedi, 6 décembre 430, et le lendemain ils se rendirent à Sainte-Sophie, où Nestorius assistait au sacrifice avec son clergé, la plupart des grands de l’empire et un public nombreux. Les quatre évêques entrèrent, et, pénétrant jusqu’à l’abside, où siégeait le patriarche, ils lui présentèrent la double sommation et les autres pièces qu’ils étaient chargés de lui remettre. Ce mandat solennel, ils avaient voulu l’accomplir en pleine église, devant tout le peuple assemblé. Nestorius connaissait déjà par les avis qu’il en avait reçus le contenu de ces documens, entre autres celui des deux sommations. Il prit le rouleau de la main des évêques et leur assigna rendez-vous pour le jour suivant à la maison épiscopale ; ce n’était en effet ni le temps ni le lieu d’entrer dans des explications indispensables. Le lundi, quand les députés arrivèrent à