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tions critiques que le projet de loi lui avait suggérées sur les dots. La protestation des princes et la lettre de M. de Montalembert ne font que reproduire, pour le fond, les protestations et les raisonnemens déjà connus. Qu’il nous soit du moins permis d’en extraire des passages. Écoutons d’abord les princes d’Orléans :


« En 1852, une politique accoutumée à regarder l’argent comme un instrument de révolution a voulu prendre ses sûretés contre nous en confisquant le patrimoine de notre famille. »


Comment caractériser en termes plus nets le motif de la confiscation et l’espèce de politique qui l’avait inspirée? De son côté, M. de Montalembert signalait, en l’analysant de la manière la plus piquante, la confusion des principes dont le projet de loi de 1856 était le témoignage et l’aveu implicite qu’il renfermait de l’absence de tout droit dans le décret du 22 janvier 1852 :


« Un ancien adage du droit nous dit : donner et retenir ne vaut ; il faut dire également : prendre et donner ne vaut. Si on a eu le droit de prendre, on n’a plus celui de donner; de deux choses l’une, ou bien c’est conformément à l’ancien droit public de la France, comme dit l’exposé, que l’on a fait rentrer dans le domaine de l’état le patrimoine de la maison d’Orléans, et alors de quel droit vient-on aujourd’hui en dépouiller partiellement l’état? Ou bien cet ancien droit public n’était pas applicable à la royauté créée par la charte de 1830, et alors pourquoi n’y déroge-t-on aujourd’hui qu’en partie et au profit des femmes seulement? Si les biens dont le duc d’Orléans, avant de monter sur le trône, a fait donation à ses enfans n’appartiennent pas à ceux-ci, pourquoi leur faire une gratification aux frais des contribuables? mais, s’ils leur appartiennent, ou si seulement la question est douteuse, comment peut-on les rendre aux uns et les refuser aux autres? Comment en présence de notre droit civil, de l’égalité des partages qu’il consacre, comment ose-t-on reconnaître le droit des filles en dépouillant les fils, et créer ainsi une sorte de loi salique au profit de la confiscation? »


J’avais, au nom des princes, demandé au président du corps législatif le dépôt de leur nouvelle protestation sur le bureau de l’assemblée. De son côté, M. de Montalembert l’avait prié de faire part de sa lettre à ses collègues. Le même sort attendait les deux documens. Aucun dépôt n’eut lieu, aucune communication ne fut faite au corps législatif. La loi fut votée en silence, sans que personne signalât le coup moral qu’elle portait au décret de confiscation, et la persécution reprit son cours.

Cette persécution, qui avait pénétré jusqu’au cœur des princes dans la question de l’hospice d’Enghien, n’avait pas cessé de les