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et de dévoûmens prêts à déplaire. Cependant l’expérience est venue; que de regrets alors pour le silence, pour les examens superficiels, pour les complaisances faciles! Jusqu’au moment où le système parlementaire a repris quelque vie sous la salutaire influence de M. Thiers et d’une opposition libérale, cette absence de toute investigation, sérieuse, de toute discussion approfondie, ne permettait même plus aux faits de se graver dans la mémoire de ceux qui en étaient les témoins, à tel point qu’on a entendu, il y a deux mois, un honorable membre de l’assemblée nationale, ancien député au corps législatif de 1852 à 1870, faire avec une bonne foi qui n’est suspectée par personne la déclaration suivante au sujet des biens atteints par le décret de 1852 : « Jamais on n’a parlé au corps législatif de l’empire, ni du produit de ces ventes, ni du produit de ces revenus... On peut être complètement rassuré, on n’a pas employé un centime, parce que le corps législatif s’est constamment opposé[1]... » Et cependant que nous apprennent le Moniteur et les comptes-rendus des séances du corps législatif malgré les nombreuses mutilations de la censure officielle? En ce qui concerne les aliénations, M. de Flavigny fait entendre à ses collègues et aux commissaires du gouvernement les doléances que lui inspire la vente des domaines de Neuilly et de Monceaux, annoncée comme devant procurer à l’état une recette de 1,800,000 francs[2]. En ce qui concerne l’insertion des revenus des propriétés patrimoniales de la famille d’Orléans au budget des recettes de l’état, nous venons de lire la protestation qu’a fait entendre le comte de Montalembert en rappelant qu’il avait déjà signalé au corps législatif cette déplorable confusion. Enfin plusieurs membres du corps législatif[3] avaient proposé des amendemens ayant pour objet de distraire les revenus des biens d’Orléans du budget des recettes du trésor public. Or depuis l’insuccès de ces nobles efforts, paralysés par une force d’inertie qui leur opposait comme un obstacle insurmontable, les revenus des biens d’Orléans ont figuré dans les recettes du budget pendant toute la durée des législatures impériales.

Rapprochez ces faits, qu’il est impossible de contester, des sou-

  1. Séance du 15 septembre 1871. — Journal officiel du 16 septembre 1871.
  2. Voici dans quels termes le compte-rendu de la séance du 18 mai 1853 mentionne l’observation de M. de Flavigny : « A l’égard des 1,800,000 fr. que doit procurer au domaine la vente de Neuilly et de Monceaux, l’orateur se plaît à espérer que le gouvernement, au moment où il intervient si généreusement auprès des puissances étrangères pour obtenir l’atténuation de mesures analogues, comprendra la nécessité de fortifier ses exhortations par son propre exemple. » — M. Baroche, président du conseil d’état, ne prit pas la peine de répondre à M. de Flavigny, et le 20 mai il n’opposa aux objurgations de M. de Montalembert que l’affirmation du principe dictatorial en vertu duquel les décrets avaient été rendus.
  3. Entre autres MM. Demesmay et de Lespérut.