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civil de la Seine[1]. Après les plaidoiries de MM. Paillet et Berryer, dont la savante discussion et les éloquentes protestations avaient excité dans l’auditoire une émotion inexprimable, le tribunal rendit le jugement suivant :


« Attendu que les membres de la famille d’Orléans procèdent comme propriétaires des domaines de Neuilly et de Monceaux, soit en vertu de la donation du 7 août 1830, soit en qualité d’héritiers de leur père et pour partie de la princesse Adélaïde, leur tante, soit en vertu d’une jouissance prolongée pendant vingt ans et pouvant fonder la prescription;

« Attendu que leur action a pour objet de fonder la propriété de ces deux domaines;

« Attendu que les tribunaux ordinaires sont exclusivement compétens pour statuer sur les questions de propriété, de validité de contrat, de prescriptions;

« Que ce principe a toujours été appliqué aussi bien à l’égard de l’état qu’à l’égard des particuliers;

« Qu’ainsi au tribunal seul il appartient d’apprécier les titres des parties et d’appliquer la loi aux faits qui donnent lieu au procès;

« Se déclare compétent, retient la cause, et, pour être statué au fond, continue à quinzaine, et condamne le préfet de la Seine aux dépens de l’incident. »


Ce jugement produisit dans toute la France une sensation profonde. Le droit regardait l’arbitraire en face, et la justice s’élevait à la hauteur des principes éternellement vrais qui étaient venus réclamer sa protection. Le droit d’appel et le recours en cassation restaient au gouvernement de Louis-Napoléon; mais il se garda bien d’en user, et se hâta de dessaisir les tribunaux de droit commun pour recourir, au moyen d’un conflit, à la juridiction exceptionnelle du conseil d’état; ces juges administratifs des questions soulevées par le décret du 22 janvier 1852 avaient tous été choisis le 25 janvier, trois jours après la confiscation, par l’auteur même du décret qui leur était déféré.

C’est dans sa séance du 15 juin 1852 que la section du contentieux fut appelée à statuer. Ce jour-là, M. Baroche vint la présider, et M. Maillard, son président habituel, prit rang parmi les simples membres du conseil. Le siège du ministère public était occupé par M. Maigne, maître des requêtes, commissaire du gouvernement,

  1. Le tribunal, présidé par M. de Belleyme, était composé en outre de MM. D’Herbelot, vice-président, Picot, Collette de Baudicour, Gallois, Sévestre et de Charnacé, juges, et de M. Petit, juge suppléant.