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drapeau blanc, et des officiers, porteurs des propositions les plus favorables, demandent à franchir les ponts-levis. Ils comptent pour réussir sur le brusque contraste du mal qu’ils viennent de faire et des conditions avantageuses qu’ils proposent. Pourvu qu’on capitule, c’est-à-dire pourvu qu’ils obtiennent tout de suite le libre passage de leurs troupes et de leurs trains de chemin de fer près des murs de la ville, ils se montrent coulans sur les termes de la capitulation : le commandant de place lui-même les dictera, on laissera sortir la garnison avec armes et bagages ; on va jusqu’à faire entendre que les habitans seront indemnisés des dégâts causés par les obus. L’énergique officier qui commandait Toul devina le piège qu’on lui tendait. L’insistance des Prussiens, le caractère inusité de leurs propositions, indiquaient assez le prix qu’ils attachaient à la reddition de la forteresse. Quel dommage ! s’écria l’un des deux parlementaires, lorsqu’il apprit le refus du commandant de place. Il était difficile de croire que cette exclamation lui fût arrachée par un sentiment d’humanité : il pensait sans doute beaucoup moins aux futures souffrances de Toul qu’à la déception de ses chefs et aux obstacles que la résistance de la place opposerait longtemps encore à la marche des armées prussiennes. Il essaya encore sans plus de succès d’ébranler le courage des assiégés en annonçant que le maréchal Bazaine était coupé de l’empereur et enfermé dans Metz. « Vous êtes braves, dit-il en se retirant, vos soldats sont effrayans dans le combat, mais vous êtes trop peu nombreux. » A peine était-il rentré au camp prussien que, pour ne laisser aucun doute sur leurs dispositions, les ennemis recommencèrent leur feu. La diplomatie ayant terminé son œuvre, le canon reprenait la parole et foudroyait cette ville qu’on affectait de vouloir arracher à la destruction. Vaines tentatives ! La force ne réussissait pas mieux que la ruse. Vers le soir, les Prussiens comprirent l’inutilité de leurs attaques, et l’artillerie de campagne, détachée de l’armée du prince royal, rejoignit en toute hâte le gros des forces ennemies.

Il ne reste plus aux Allemands qu’à continuer et à resserrer le blocus en attendant les pièces de siège qu’ils font venir de Marsal. Leur vigilance n’empêche point cependant quelques nouvelles de pénétrer dans la ville ; mais ce ne sont, hélas ! que de fausses nouvelles, propagées, comme cela est arrivé si souvent pendant cette campagne, par la vanité et la crédulité nationales. Avant la triste expérience de 1870, les Français n’acceptaient qu’avec une peine infinie l’idée d’une défaite de leurs armes ; ils se croyaient naïvement invincibles et s’irritaient même qu’on en doutât. La foule traitait avec défiance, presque en ennemis, ceux qui se hasardaient à exprimer quelques craintes ou qui accueillaient sans protestation