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réussit à en étouffer 22, mais un magasin à fourrages et l’hôtel du receveur particulier des finances furent entièrement consumés ; la cathédrale reçut des projectiles, et le drapeau de la convention de Genève déployé sur l’hôpital ne préserva point ce dernier édifice. Jusqu’à cinq heures du soir, les Prussiens manœuvrèrent autour de la place cherchant un point faible, espérant que la garnison allait capituler ; leur artillerie s’était, pendant la lutte, rapprochée des remparts, comme pour intimider la population et porter des coups décisifs.

Après cinq heures de combat, il fallut bien reconnaître qu’on ne surprendrait ni la vigilance ni le courage des défenseurs. Notre artillerie avait répondu vigoureusement aux pièces prussiennes, et nos chassepots faisaient dans les rangs ennemis des trouées meurtrières. 40 cadavres et 80 fusils à aiguille furent trouvés dans les jardins qui entourent la ville ; beaucoup de morts avaient été emportés. On n’évalue pas à moins de 600 ou de 700 hommes le nombre des Allemands mis hors de combat dans cette journée. Des ambulances prussiennes furent établies aux environs de Toul et jusqu’à Nancy pour recueillir les blessés ; un parlementaire demanda qu’on voulût bien recevoir et soigner à l’hôpital de la ville dix-sept d’entre eux qui n’auraient pu sans danger être transportés plus loin. Les Prussiens, dans cette première attaque, ne comptaient que sur un simulacre de résistance ; ils s’attendaient même à un succès si facile, que des officiers, en s’éloignant de Nancy le matin, avaient offert aux habitans chez lesquels ils logeaient de se charger de leurs lettres pour Toul et promis de les remettre le soir même. On aurait pu leur répondre ce que disait en 1792 un Français des environs de Verdun au domestique de Goethe en lui apportant à tout hasard une missive pour Paris, où l’armée de Brunswick se flattait d’entrer sans coup férir : « voilà une lettre qui n’arrivera pas à son adresse. » La confiance était si générale dans l’armée allemande que, le lendemain du combat, le 17 août, à sept heures du matin, on vit arriver à la porte de Moselle un cavalier ennemi qui tenait un cheval en main ; on le laissa s’approcher, le pont-levis s’abaissa pour le faire entrer et se referma sur lui. C’était l’ordonnance d’un officier qui arrivait de Nancy ; son maître lui avait donné rendez-vous à Toul, il croyait la ville prise, y entrait en vainqueur, et, à son grand étonnement, s’y trouva prisonnier.

En résistant avec plus d’énergie que les Prussiens ne l’avaient pensé, la petite forteresse nous rendait le service de retarder la marche des troupes allemandes vers l’intérieur de la France. Le canon de ses remparts, qui battait en même temps la route de Paris et la ligne du chemin de fer, obligeait l’ennemi à de longs détours par des chemins difficiles. Tant que Toul résistait, une des