Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/452

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peine 200 soldats exercés. C’étaient des fantassins de la garde mobile, vêtus d’uniformes disparates, et qui maniaient le chassepot depuis quelques jours seulement, des artilleurs qui n’avaient jamais touché un canon, que commandaient des médecins, des notaires, des ingénieurs civils, des industriels, — des gardes nationaux qui n’avaient reçu que depuis trois jours leurs fusils à piston ; c’étaient le dépôt du 4e régiment de cuirassiers et celui du 63e de ligne, composé de conscrits. Les 30 gendarmes des brigades de l’arrondissement formaient la troupe la plus solide et la plus aguerrie. À ces jeunes soldats, on donnait des chefs improvisés ; le commandant Huck, ancien chef d’escadron de cuirassiers, venait de prendre le commandement de la place, et l’officier du génie qui devait y organiser la résistance n’y arrivait que la veille de l’apparition de l’ennemi.

Voilà les seuls moyens de défense que pouvait opposer aux Allemands une ville fort mal placée d’ailleurs pour résister aux effets de l’artillerie moderne. A la distance de 600, de 700, de 1,200 et de 1,500 mètres, s’étendent autour de Toul des collines qui dominent les remparts ; une de ces hauteurs, le mont Saint-Michel, s’élève à 185 mètres au-dessus du pavé de la place. Cette situation paraissait si dangereuse que la construction d’une ceinture de forts était depuis longtemps décidée en principe ; mais les travaux de Metz absorbaient presque tous les fonds réservés aux villes de guerre de l’est, et rien de ce qu’on projetait n’avait été entrepris au moment où on commença la campagne. En 1870, les fortifications de Toul se réduisaient à une enceinte bastionnée construite d’après les dessins de Vauban, avec un chemin couvert et quelques dehors. Dans ces conditions, on estimait que la place ne tiendrait pas plus de deux jours. Les Prussiens, connaissant aussi bien que nous tout ce qui manquait à la garnison pour qu’elle pût se défendre, pressés d’ailleurs de s’emparer de la ligne du chemin de fer, tentèrent sans perdre de temps d’emporter la position par un coup-de vigueur. Le 14 août, pendant que nos batteries d’artillerie de campagne se retiraient. vers le camp de Châlons, un parlementaire allemand sommait la place de se rendre, et le 16 à midi, après deux nouvelles sommations demeurées sans résultat, l’artillerie prussienne établie vers la Croix de Metz, à mi-côte du mont Saint-Michel et près du village de Dommartin, ouvrait un feu nourri sur la porte de Metz et sur les quartiers avoisinans. En même temps la division Franseçky, composée du contingent d’Anhalt-Dessau, s’approchait des glacis à l’abri des haies, disposait des tirailleurs dans les jardins, et engageait avec la garnison, avec la garde nationale qui s’était portée tout entière sur le rempart, un vif combat de mousqueterie. Les obus allemands allumèrent ce jour-là de nombreux incendies : on