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La polémique devint générale et assez acre du côté des nestoriens. Le chef dédaigna de réfuter de sa main la Lettre aux solitaires, il la fit combattre par un de ses prêtres nommé Photius, et assez amèrement. Lui-même, craignant que l’évêque de Rome, Célestin, ne fût prévenu par ses adversaires, prit les devans, et voici comment il lui exposa les affaires de Constantinople par une lettre jointe à l’envoi de ses discours. Cette lettre résume assez bien tous les moyens d’attaque de son parti contre le parti contraire. « Nous avons trouvé en cette ville, y est-il dit, une altération considérable de la vraie doctrine, dans quelques-uns du moins, et nous employons tous les jours pour la guérir la rigueur et la douceur. C’est une maladie qui rappelle celles d’Apollinaire et d’Arius. Ces gens réduisent l’incarnation du Seigneur à une espèce de confusion, disant que le Dieu s’est fait homme et a été édifié avec son temple et enseveli avec sa chair, comme s’il avait pris son origine de la Vierge mère du Christ, christotocos, et ils disent que la même chair n’est pas demeurée après la résurrection, mais qu’elle a passé dans la nature de la divinité. Ils ne craignent pas de nommer la Vierge théotocos, quoique les pères de Nicée aient dit seulement que Notre-Seigneur s’est incarné de la vierge Marie, sans parler des Écritures qui la nomment partout mère du Christ et non du Dieu-Verbe. Je crois que votre sainteté aura déjà su par la renommée les combats que nous avons soutenus à ce sujet, et qui n’ont pas été inutiles, car plusieurs se sont corrigés et ont appris de nous que l’enfant doit être consubstantiel à sa mère, qu’il n’y a aucun mélange du Dieu-Verbe avec l’homme, mais qu’il y a une union de la créature et de l’humanité du Seigneur jointe à Dieu et tirée de la Vierge par le Saint-Esprit. Que si quelqu’un emploie le mot de théotocos en vue de la nativité temporelle du fils de Dieu, nous disons que ce mot ne convient pas à Marie, car une vraie mère doit être de la même nature que ce qui est né d’elle. On peut néanmoins permettre l’emploi de ce terme en ce sens que le temple du Verbe, inséparable de lui, est tiré d’elle ; mais qu’elle soit la mère du Verbe, cela ne se peut, car on n’enfante pas ce qui est plus ancien que soi. » Cette distinction est souvent reproduite par les nestoriens dans le cours de la discussion. Cyrille avait écrit : « Qu’il dise comme nous Marie théotocos, et je lui ouvre les bras en frère. » Nestorius finit en effet par le dire, mais en spécifiant bien qu’il entendait par là que Marie était mère de Dieu par cette raison que le Verbe divin s’était incarné dans celui qui était né de son sein ; et non autrement. Le Le corps de Jésus-Christ, ajoutait Nestorius, fut assurément le temple de la divinité ; mais on ne peut attribuer à la divinité les propriétés de la chair, comme d’être né, d’avoir souffert, d’être mort, sans tomber dans les erreurs des païens ou dans celle d’Arius, qui faisait du fils de