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Dnieper à l’Oural. C’est à ce moment que commence la deuxième période de l’histoire russe, et, à vrai dire, l’origine de la Russie actuelle. Vassili Ivanovitch soumet les grands vassaux à son autorité et fonde la centralisation absolue du pouvoir sur le principe de l’hérédité de mâle en mâle. Le tsarat mesurait à sa mort 2 millions de kilomètres carrés. Son fils, Ivan le Terrible, qui règne de 1534 à 1584, soumet les deux kanats d’Astrakhan et de Kazan et pénètre en Asie ; mais il échoue en Crimée, que les Turcs, alors à l’apogée de leur puissance, viennent de saisir. Il supprime l’ordre des chevaliers allemands porte-glaive, établis aux bords de la Baltique, et partage leurs terres avec la Suède et la Pologne. A sa mort, le territoire russe est porté à 3,600,000 kilomètres carrés avec 12 millions d’habitans. À cette époque, la France en avait 16 millions, et l’embryon de la Prusse, le Brandebourg, 1 million. De 1584 à 1605, sous Fœdor et Boris, la Sibérie centrale est annexée et les Tartares refoulés au sud au-delà de Roursk et de Tcherkask. La superficie du tsarat arrive à 8 millions de kilomètres ou seize fois la France actuelle.

Après l’extinction de la maison de Rourik, le tsarat reste plongé dans une effroyable anarchie de 1605 à 1613, et pendant ce temps la Pologne lui enlève le territoire de Smolensk et de la Severie, et la Suède l’Ingrie et la Karelie, ce qui exclut les Russes de la Baltique. Cependant en Asie ceux-ci s’annexent la Sibérie orientale et même la région de l’Amur, qui est toutefois rétrocédée à la Chine pendant la minorité de Pierre le Grand. Sous le premier des Romanof, Michel Fœdorovitch, la Russie se refait ; sous Alexis, qui règne trente ans, de 1645 à 1676, elle reprend sa marche ascendante. Elle se fait rétrocéder par la Pologne le duché de Smolensk, et après des victoires qui avaient conduit ses armes jusqu’à Vilna, elle retient Kief. Ses acquisitions en Europe équivalent à 350,000 kilomètres. Sous Fœdor III et la tsarine Sophie, il n’y a à signaler qu’une petite extension en Sibérie et quelques terres prises aux Tatars de la Crimée. Pierre le Grand, qui prend le titre d’empereur en 1700, n’obtient rien des Turcs au traité du Pruth, mais par la paix de Nystadt il enlève à la Suède, après vingt-deux années de guerre, les importantes provinces baltiques, la Livonie, l’Esthonie avec son archipel et l’Ingrie, où il place sa capitale pour ne plus perdre de vue les bords de la mer. D’autre part, la Russie s’avance jusqu’à la Caspienne, soumet les nomades Kirghiz et Kaissaks, ce qui lui ouvre l’Asie centrale, et par la paix de Belgrade (1735) débouche sur la Mer-Noire en prenant possession d’Azof. Sous Elisabeth, les Cosaques zaporogues sont soumis, et le traité d’Abo porte la Finlande russe jusqu’aux bords du Kymen. En 1762, l’empire mesure 450,000 kilomètres en Europe et 13,300,000 en Asie.