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profit ! et pour tout dire, quel risque ne court-on pas de se laisser duper par une unité purement nominale !

Nous avons décliné la compétence du critérium démocratique pour juger ces questions. En acceptant néanmoins ce terrain de discussion, on peut voir si cette espèce particulière, tant préconisée, d’impôt unique est en rapport avec ces principes d’égalité devant l’impôt et de respect pour la liberté individuelle, que la démocratie est tenue de pratiquer.

Mettons en regard de l’égalité devant l’impôt le système de l’impôt unique sur le capital, que les congrès économiques votent de confiance au moins comme impôt d’avenir. Impôt d’avenir ! quelle expression ! Défions-nous des impôts d’avenir. Outre qu’il est peu sûr de prévoir l’avenir, j’ai toujours peur que cet impôt d’avenir qui a grande envie de devenir l’impôt du présent n’y réussisse trop, et ne s’ajoute plus ou moins aux impôts qu’il doit, dit-on, supplanter plus tard. Cet impôt d’avenir, faut-il le dire en toute franchise ? a bien l’air de présenter des défauts qui sont de tous les temps. Est-il donc apte à se plier aux conditions de l’égalité ? Cet impôt sur la richesse acquise, épargnée, sur le net, comme on le répète, cet impôt qui doit ménager la consommation, êtes-vous donc sûr que jamais le capitaliste ne sera en mesure, par l’état du marché, de le faire rembourser au consommateur ? À Florence, l’impôt sur le capital, par l’établissement duquel le parti démocratique signala son triomphe, affectait la prétention très périlleuse d’être un impôt sur le superflu, soumis à une taxe spéciale de 1/2 pour 100. Les modifications qui s’opérèrent fréquemment sous l’empire des changement politiques et de l’esprit démocratique dans la manière d’asseoir cette taxe prouvent peu en faveur de cette simplicité et de cette uniformité dont elle se prévaut. Les mêmes objets tantôt y figurent, tantôt en sont retranchés. Cet arbitraire était d’autant plus grand que la progression plus accusée rendait ces changemens plus sensibles. Et quelle dure progression ! Combien éclate ici le lien habituel et logique qui unit l’impôt progressif à l’impôt sur le capital ! En 1442, dans la vue de tirer une contribution moyenne de 15 pour 100, on adoptait quatorze degrés de progression, depuis le taux de 4 pour 100 par an sur les revenus de 1 à 5 florins, le taux de 7 pour 100 de 50 à 100 florins, de 8 pour 100 entre 100 et 150 florins, de 10 pour 100 entre 150 et 200 florins, jusqu’à celui de 33 pour 100 sur les revenus supérieurs à 1,500 florins. Progression terrible et funeste impôt qui portèrent à la prospérité florentine une rude atteinte. Dira-t-on que l’art d’asseoir les taxes a fait des progrès et qu’on n’admet en fait d’exemples que ceux qu’offrent les états modernes et en particulier l’Amérique du Nord ? On est frappé de voir à quel degré cet impôt-là même manque d’une base uniforme.