Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/372

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

possible, de s’adresser uniquement au revenu d’une façon immédiate en évitant les détours et les faux frais est naturelle et juste en elle-même. Les radicaux n’en demandent pas davantage, peu habitués qu’ils sont de compter avec la résistance des choses, qu’ils mettent invariablement à la charge de la mauvaise volonté des hommes. En fait l’impôt unique sur le revenu, n’existe nulle part. Aucun grand pays n’en a fait même la tentative. La révolution, qui avait bien osé abolir la plupart des taxes indirectes, n’a rien essayé ni même conçu de pareil à ce qu’on demande aujourd’hui. L’habitude où nous sommes de nous abandonner à la méthode abstraite qui, sous le nom usurpé presque toujours d’idéal, conduit au radicalisme, a fait passer sur toutes ces considérations historiques et expérimentales. C’est dans l’étude des faits qui nous entourent, des exemples qu’on invoque, comme dans l’emploi légitime du raisonnement, que se trouve la réponse à ces théories ambitieuses.

La raison la plus décisive qui s’élève contre les partisans de cette taxe unique, c’est qu’elle porte à la plus haute puissance les inconvéniens si réels de l’impôt sur le revenu employé comme une simple taxe venant s’ajouter d’une manière accessoire à l’ensemble des autres impôts. Les nations qui ont eu recours à celle-ci ont pu prendre leur parti de ces défauts. Elles s’y résignent comme à une nécessité, soit pour ne pas peser sur d’autres taxes qui ont rendu tout ce qu’elles peuvent, soit que cet impôt leur paraisse en lui-même préférable, à la condition expresse de rester particulièrement modéré. Si vous demandez tout ou presque tout à ce seul impôt, ce qu’il a d’offensif pour la liberté des contribuables, ce qu’il laisse apparaître de difficultés dans l’évaluation, prennent une force telle qu’éclate l’impossibilité de le concilier avec ce que nos sociétés exigent de ménagement pour les citoyens. De même on ne sait comment le mettre en rapport avec ce que l’état requiert de ressources pour subvenir à ses nécessités, fussent-elles réglées avec la plus grande économie.

Je ne me propose pas de faire le procès à l’impôt sur le revenu tel qu’il existe ailleurs ; d’autres l’ont fait et de la manière la plus vive, : — M. Léon Faucher, notamment, ne s’y est pas épargné. J’en parlerai de sang-froid, j’irai même jusqu’à l’approbation, j’entends à une approbation relative et conditionnelle ; mais enfin présente-t-il des moyens d’évaluation assez satisfaisans pour que l’impôt en dépassant certaines proportions limitées puisse s’en accommoder ? On a essayé pour ainsi dire de deux types dans cette évaluation. Dans l’un qu’on peut nommer le type anglais, c’est la déclaration du citoyen qui sert à fixer l’impôt. Toute fausseté reconnue dans l’évaluation déclarée entraîne la restitution au fisc avec une forte amende. Les inexactitudes de déclaration n’en sont pas moins extrêmement