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sa charge t Ce sont là, des élémens de premier ordre dans la question. Les revenus très bas sont enfin, de la part de l’impôt, l’objet de ménagemens particuliers. Les articles de commune consommation sont de même en général modérément frappés. Qu’on fasse, dans la mesure du possible, de nouveaux pas dans cette voie, mais qu’on se garde bien, en vue d’obvier à des inconvéniens qu’on peut diminuer, de renverser une base aussi simple, aussi stable, aussi juste, que le principe qui veut proportionner l’impôt aux fortunes !

il fallait donner un nom à ce nouveau principe de justice qu’on voudrait aujourd’hui inaugurer ; on l’a nommé « l’égalité des sacrifices. » Voilà, la grande théorie que l’on tenait en réserve, voilà ce que n’avaient pas prévu les pères de l’impôt progressif, pas même ceux qui comptent au nombre des meilleurs démocrates. Ni Jean-Jacques Rousseau, qui propose de surtaxer les fortunes, s’inspirant de cette idée que « le riche n’a qu’un ventre, non plus que deux jambes aussi bien qu’un bouvier, » ni Robespierre, ni Saint-Just, qui parlent avec horreur des palais et s’attendrissent sur les chaumières, ne s’étaient avisés de cette formule. Ils ne parlent en tout cela que du superflu des riches, qu’ils jugent de bonne prise. Les nouveaux défenseurs de l’impôt progressif se sont avancés plus loin ; ils considèrent l’impôt progressif comme étant, c’est une de leurs expressions favorites, la « rançon » de la propriété. Sentant le besoin de donner une base philosophique à la théorie économique, ils ont imaginé cette fameuse égalité des sacrifices, dont il s’agit de faire désormais le fondement de la justice distributive ; on veut que la somme de privation et même de désagrément imposée à tous par la taxe soit rigoureusement la même. On peut regretter de voir un économiste de la valeur de M. John Stuart Mill donner une sorte d’adhésion à une théorie aussi chimérique. Heureusement il n’en tire pas les mêmes conséquences, et il combat, loin, de l’admettre, l’impôt progressif. Quoi qu’il affirme, la justice idéale ne serait-elle pas atteinte le jour où l’impôt se proportionnerait absolument pour chaque citoyen à la somme des frais qu’il coûte à l’état et à la quantité des avantages qu’il doit à l’action> gouvernementale ? Ce n’est là malheureusement qu’un idéal, mais assurément c’en est un, faute de mieux, on paie selon ses revenus, mesurés tantôt sur l’avoir, tantôt sur les consommations ; payer selon le revenu apprécié le plus exactement qu’il a été possible, tel est l’objet proposé, et il n’y a rien là que de juste, même si toute justice n’est pas là. Avec l’idée de « l’égalité des sacrifices » on poursuit l’irréalisable, on raisonne dans les données du communisme, et c’est au communisme qu’on aboutit nécessairement. Vouloir que le paiement d’une dette quelconque impose également