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épris de ce rêve. Isocrate, à qui le régime démocratique n’avait point fait une place qui le satisfît, caresse avec amour cette chimère, et bientôt, tant il a peu le sens politique, ce sera au profit de l’ambitieuse Macédoine qu’il la poursuivra. Dans la harangue qui termine cette série, c’est Nicoclès, le fils et le successeur d’Évagoras, qui parle à son peuple ; on a là une homélie qui traite des devoirs des sujets envers le prince, et qui fait pendant, comme Isocrate l’indique lui-même, à celle où il avait exposé les devoirs du prince envers ses sujets.

Nous n’insisterons pas sur plusieurs autres ouvrages dans lesquels, soutenant le rôle qu’il s’était attribué, Isocrate continue à donner son avis sur les affaires d’Athènes et de la Grèce. La Plataïque est de 372. Isocrate y dénonce à l’indignation de ses concitoyens et de tous les Grecs un acte de violence et de cruauté que vient de commettre Thèbes, depuis Leuctres la première puissance militaire de la Grèce ; fidèle à ses anciennes haines, elle a détruit une seconde fois cette malheureuse ville de Platées, qu’elle avait déjà prise et renversée au début de la guerre du Péloponèse ; elle a de nouveau voué à la misère et à l’exil les tristes Platéens. Dans l’Archidamos, Isocrate discute et critique encore l’usage que fait Thèbes de sa prépondérance récemment conquise : ces réflexions sont placées dans la bouche d’Archidamos, fils d’Agésilas et roi de Sparte, qui est censé prononcer ce discours dans le congrès de 366. L’Aréopagitique porte un titre trompeur ; nous n’y trouvons pour ainsi dire aucun renseignement sur les attributions réelles de l’aréopage et sur le rôle qu’il jouait dans le système des institutions athéniennes ; c’est encore une espèce de sermon qu’Isocrate met en quelque sorte sous l’invocation d’un tribunal vénéré qui, tel que l’orateur le représente, a un caractère plus idéal qu’historique. Isocrate y fait la leçon à la démocratie comme il l’avait faite ailleurs aux rois et à leurs sujets. Le discours sur la paix (355) a été inspiré par l’une des crises les plus douloureuses de l’histoire d’Athènes, que l’on appelle la guerre sociale. Cette nouvelle confédération maritime qu’Athènes avait réussi à reformer autour d’elle dans les premières années du IVe siècle était en train de se dissoudre ; Chios, Rhodes et Byzance avaient donné le signal de la sécession. En vain Athènes avait essayé de s’opposer par la force à ces défections ; mal concertés et mal conduits, ses efforts n’avaient abouti qu’à des désastres. De ses généraux, les uns, comme Chabrias, étaient morts en combattant ; les autres, comme Iphicrate et Timothée, avaient quitté le service, dégoûtés de voir le peuple s’en prendre à eux de défaites amenées par l’insuffisance des armemens et les intrigues des orateurs. Le trésor était vide, le commerce languissant, le peuple las des charges que lui imposait la guerre. Il