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Phliunthe, Thèbes, Olynthe, avaient été maltraitées et humiliées par Sparte, dont elles étaient d’anciennes et fidèles alliées, on commence à se souvenir, à comparer les actes aux promesses, le présent au passé. Le brillant manifeste d’Isocrate donne un corps à des sentimens qui, dans beaucoup d’esprits, étaient jusque-là obscurs et vagues. Quelle différence entre l’état actuel de la Grèce et celui où l’avaient mise les victoires de Cimon ! Alors les Perses étaient refoulés dans l’intérieur de l’Asie, alors les escadres athéniennes faisaient la police des mers et en chassaient les pirates de toute race et les marchands phéniciens, alors la crainte de se voir abandonnée pour sa puissante rivale forçait Sparte à être juste et loyale envers ses alliés. On oublie les fautes d’Athènes, qu’elle avait si chèrement payées, et ses abus de pouvoir, dont on ne souffrait plus ; on se rappelle tous les services rendus à la cause commune par la vaillante et généreuse patrie d’Aristide, de Cimon et de Périclès.

Quant à Athènes, elle dut trouver un singulier plaisir, dans sa fortune réduite, à regarder passer devant ses yeux, à la voix de l’enchanteur qui évoquait toutes ces chères images, la radieuse vision de ses grands hommes et de ses victoires d’autrefois. Après certaines chutes inattendues et profondes, les peuples qui ont d’eux-mêmes la plus haute opinion risquent de tomber dans un accablement aussi déraisonnable qu’était jadis excessive leur confiance en leurs propres forces. Ce sont souvent au lendemain de ces catastrophes les meilleurs et les plus sages qui sont d’abord les plus abattus : mieux que les autres, ils se rendent compte des vices héréditaires dont les fautes commises n’ont été que le résultat nécessaire. Il importe, à cette heure décisive, de relever l’âme d’une nation en lui montrant que tout n’était pas illusion et rêve dans l’idée qu’elle s’était faite de son génie et de son rôle ; il importe de l’aider à retrouver en elle-même le secret de ses vertus et de ses forces qui avaient fait autrefois la patrie si glorieuse et si puissante. C’étaient là les pensées que le panégyrique devait suggérer à l’esprit des Athéniens, ce fut là le service qu’il leur rendit au début de cette période où Athènes, s’encourageant peu à peu, s’essayait à reconstituer son ancienne confédération maritime. Comment ne pas redresser la tête, comment ne pas sentir renaître sa fierté et son espoir quand on entendait Isocrate, accordant à Athènes un éloge qui n’est ici que l’expression de la vérité même, rappeler qu’elle avait été plus grande encore par l’esprit que par ses victoires guerrières ? « Athènes, dit-il en terminant un des meilleurs chapitres de son discours, Athènes a tellement dépassé les autres peuples par le génie de l’éloquence et de la philosophie, que de simples disciples chez elle sont admis comme des maîtres chez les autres, qu’elle a