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prononcés dans une de ces grandes assemblées, les jeux pythiques, isthmiques ou olympiques, les grandes panathénées, où se donnaient rendez-vous, outre tous les habitans des contrées voisines, des Grecs accourus par milliers des plus lointaines colonies. Cette foule, avide de spectacles où se déployassent pour lui plaire les énergies du corps et celles de l’esprit, se reposait volontiers d’une lutte ou d’une course en écoutant, dans quelque odéon ou salle de chant, parfois même à l’ombre d’un portique, un musicien, un poète lyrique ou un rhéteur. Les harangues adressées à ces auditeurs de rencontre ne peuvent appartenir ni au genre délibératif ni au genre judiciaire : on est venu là non pour voter une mesure politique ou pour rendre un verdict, mais pour se donner un plaisir, comme on va au théâtre. Il n’y a donc guère place, dans de pareilles réunions, que pour le genre êpidéictique ou le discours d’apparat, et ce qui en fait le thème ordinaire et naturel, c’est l’éloge de quelque chose ou de quelqu’un, l’éloge d’une ville, d’un peuple, d’une vertu, d’un héros ou d’un grand homme. C’est ainsi que, par une altération graduelle qui remonte, pour certains dérivés de ce même radical, à l’antiquité même, le mot panégyrique a perdu peu à peu sa signification primitive ; il est devenu dans la plupart des langues modernes l’exact équivalent de ce que les Grecs appelaient encomium, éloge public.

Le fond de ce discours est d’ailleurs bien l’éloge d’Athènes : l’orateur se propose d’y prouver que les Athéniens ont rendu plus de services à la Grèce que les Lacédémoniens, et qu’Athènes est la vraie capitale de la Grèce. A cet effet, après un long exorde où il fait ressortir l’intérêt et les difficultés de son sujet, il passe, en revue toute l’histoire de sa patrie, depuis les temps légendaires jusqu’au moment où il écrit. Avec plus d’accent et de vivacité qu’il n’en a d’ordinaire, il montre tout ce que sa chère et glorieuse Athènes a fait pour la Grèce et pour la civilisation ; puis il passe à Sparte, et lui demande ce que les Grecs ont gagné à sa victoire. Quelle triste différence entre les traités qu’un Cimon imposait autrefois au roi de Perse et ceux que sollicite et obtient de lui, comme une faveur, le Spartiate Antalcidas ! Il y a encore de l’énergie et de la couleur dans la peinture des maux qu’inflige à la Grèce, par son âpreté et son avidité, cette Sparte qui s’est faite ainsi la complaisante de l’étranger. « Jusque dans leur personne, dit-il, les sujets de Sparte endurent plus d’outrages que chez nous les esclaves achetés à prix d’argent : aucun Athénien ne maltraite son serviteur comme les Spartiates châtient les hommes libres. » Il rappelle la destruction de Mantinée en pleine paix, l’occupation frauduleuse et violente de la Cadmée, la citadelle de Thèbes, les attaques dirigées contre les Phliasiens et contre la fédération olynthienne,