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y ont perdu. Si ces premières opérations ont produit un tel trouble, que doit-on attendre de l’énorme mouvement d’écus, de lingots, de papier, auquel donnerait lieu la récolte presque instantanée de 3 milliards ! Ce serait une perturbation dans le monde entier. Les derniers incidens financiers, tout en témoignant du crédit de la France, ont fourni à tous les peuples un grand enseignement d’économie politique. Ils ont montré à quel point tous leurs intérêts sont solidaires, par quels liens étroits ils dépendent les uns des autres, quelle est, pour ainsi dire, la réciproque électricité des marchés les plus lointains. Par conséquent pour elle-même comme pour les autres nations l’Allemagne est intéressée à ce que le paiement des trois derniers milliards s’effectue dans des conditions moins compliquées et moins soudaines ; mais elle exigera certainement que ce moyen soit aussi le plus sûr, et cela dépend de nous. L’Allemagne voudra savoir, comme les alliés l’ont voulu en 1818 (c’est le droit du créancier), si notre budget contient les ressources nécessaires pour assurer le paiement des intérêts et l’amortissement de la nouvelle dette ; elle examinera si le gouvernement appelé à négocier avec elle présente des garanties suffisantes. Ce qu’elle voudra sur ces deux points, tous les bons citoyens le veulent dès à présent comme elle, car ils entendent que la France paie ce qui est dû, et ils sont rassasiés de révolutions.

L’étude de notre budget doit donc se faire dès à présent en vue de cette éventualité onéreuse qui exigera l’accroissement très considérable des impôts. Sur quelles matières pèsera cette augmentation, c’est ce qu’il appartient à l’assemblée nationale de décider ; mais il est certain qu’elle frappera plus ou moins lourdement toute la matière imposable, que les objections théoriques seront écartées, et que les différentes sources de revenu seront simultanément explorées. Il faut que l’esprit public s’y prépare et s’y résigne. Jamais le contribuable n’aura été plus patriote, et jamais le travail n’aura été plus noblement récompensé que s’il fournit son obole quotidienne au rachat de nos départemens. A peine commençons-nous à nous remettre d’une effroyable secousse que l’on entend parler de grèves d’ouvriers, et que se réveillent les vieux débats entre le capital et le travail. Non, ce ne sont pas des Français (on le sait) qui soufflent ce vent de grève. Ces excitations, dites internationales, sont criminelles au moment où nous sommes, et elles ne méritent que le mépris des ouvriers qui aiment leur patrie. Exiger des augmentations de salaires alors que le capital et les profits vont être frappés d’un surcroît d’impôts, ce n’est pas seulement un mauvais calcul, car on risque plus que jamais de rendre le travail impossible, c’est encore faire acte de mauvais citoyen. Que l’on se