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enseignemens. D’après l’article 5 du traité du 20 novembre 1815, l’occupation de la France par les troupes étrangères devait durer cinq ans ; mais il était stipulé qu’elle pourrait cesser à la fin de la troisième année, si les souverains alliés s’accordaient à reconnaître que l’état intérieur du pays ne la rendait plus nécessaire. Dès 1817, c’est-à-dire avant l’expiration du terme de trois ans, le gouvernement français, dirigé par le duc de Richelieu, s’adressa aux puissances pour faire réduire l’effectif de l’armée d’occupation, qui s’élevait à 150,000 hommes. L’entretien de cette nombreuse armée coulait des sommes très considérables au moment où la France était obligée de recourir à l’emprunt et à d’autres mesures extraordinaires pour établir son budget ; cette dépense rendait plus difficile le paiement régulier de l’indemnité de guerre ; la présence d’une armée étrangère sur le territoire était une cause inévitable d’embarras et de troubles intérieurs qui étaient de nature à inquiéter tous les états intéressés à la consolidation de la paix ; on pouvait craindre que, sous l’excitation des partis, il ne se produisît un jour ou l’autre une explosion nationale contre laquelle le gouvernement serait impuissant. Tels furent les argumens que le duc de Richelieu soumit à la conférence des alliés. En même temps, il montra que la France, avec la réalisation d’un emprunt de 300 millions récemment conclu, était en mesure de remplir ses engagemens financiers. La demande du gouvernement français fut accueillie, et la conférence décida que l’armée d’occupation serait réduite de 30,000 hommes à partir du 1er avril 1817.

L’année suivante, la France, invoquant les termes du traité de 1815, réclama l’évacuation complète de son territoire, et la question fut portée devant le congrès d’Aix-la-Chapelle, qui se réunit au mois de septembre 1818. Il s’agissait pour les souverains alliés d’apprécier si l’état intérieur de la France leur permettait de cesser à la troisième année l’occupation, qui avait été stipulée pour cinq ans. Le duc de Richelieu n’eut qu’à reproduire les argumens qu’il avait présentés l’année précédente. Il n’y avait point là seulement un intérêt français. Un grand intérêt européen était en jeu, celui de la paix même, compromise ou plutôt rendue malaisée par la prolongation d’une situation tout à fait anormale. Chaque puissance devait désirer la prompte rentrée de ses troupes, qui entretenaient en France un continuel sujet d’irritation. Il suffisait que le paiement du reste de l’indemnité parût assuré. — L’influence personnelle du duc de Richelieu et en particulier le crédit dont ce noble honnête homme jouissait auprès de l’empereur Alexandre eurent raison des objections, des propositions dilatoires, des conditions onéreuses ou même humiliantes que d’autres puissances, la Prusse