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III

La libération du territoire ! voilà le grand but à atteindre. Nous n’avons pas aujourd’hui d’autre devoir ; nous ne devons pas avoir d’autre passion. Unissons tous nos efforts pour arriver à ce résultat simple et patriotique : que sous le plus bref délai ce qui nous reste de la France soit délivre de la présence d’un factionnaire étranger. Tant que nous conservons une garnison prussienne, nous ne sommes pas un peuple libre : nous sommes un gage, et rien de plus. Ne voit-on pas tous les jours la plus pauvre famille, lorsque la détresse la force d’engager ce qu’elle a de plus nécessaire, s’acharner au travail, à l’économie, à la bonne conduite, jusqu’à ce qu’elle ait amassé le prix du rachat ? Nous, nation, ayons cette vertu.

Cette perspective ne nous est pas interdite. La libération peut être assez prochaine, si nous savons la mériter. Notre espoir se fonde sur le texte même des traités qui nous lient, sur l’intérêt de notre créancier, sur l’intérêt de l’Europe entière, sur les enseignemens de l’histoire, enfin, nous venons d’en avoir la preuve, sur l’infatigable labeur du gouvernement secondé par le pays. Aux termes des préliminaires de paix, signés le 26 février, les six départemens de la frontière et le territoire de Belfort doivent être occupés par les troupes allemandes en garantie du paiement des trois derniers milliards, lesquels sont exigibles le 1er mai 1874 ; mais il est dit dans l’article 3 que « l’empereur d’Allemagne sera disposé à substituer à la garantie territoriale, consistant dans l’occupation partielle du territoire français, une garantie financière, si elle est offerte par le gouvernement français dans des conditions reconnues suffisantes par l’empereur pour les intérêts de l’Allemagne. » Le principe d’une évacuation antérieure au paiement effectif de l’indemnité totale est donc posé en termes formels. La France est intéressée à l’invoquer dès qu’elle sera en mesure de faire des propositions acceptables ; de son côté, l’Allemagne est intéressée à l’appliquer aussitôt que l’exécution des clauses financières du traité lui paraîtra suffisamment garantie.

Si la France souffre de l’occupation, l’Allemagne n’est pas moins désireuse de la voir cesser. Il y a là, pour les deux nations, une situation anormale et une condition pleine de périls. Le soldat allemand aspire à rentrer dans son pays, il veut revoir ses foyers. Avec sa constitution particulière, l’armée allemande supporte moins facilement qu’aucune autre la prolongation d’un service lointain qui interrompt les relations d’affaires et affecte profondément les sentimens de famille. Les gouvernemens de l’Allemagne se rendraient justement