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rapport le 16 septembre, et la discussion s’engagea dans la même séance.

Il semblait que la question ainsi posée n’était pas de nature à soulever de graves difficultés ni à provoquer une longue discussion. Le point capital, c’était l’évacuation immédiate d’une partie du territoire. Il n’était pas moins nécessaire, en bonne justice et même en bonne politique, d’accorder quelques faveurs, au moins transitoires, à l’industrie et au commerce des provinces cédées, qui, après avoir si longtemps vécu de nos échanges et contribué à notre richesse, se voyaient brusquement séparées de nous et dénationalisées par l’impitoyable loi de la guerre. Ces deux résultats étaient obtenus à des conditions qui n’avaient en vérité rien d’excessif, et qui n’entraînaient qu’une dérogation relativement assez courte à l’application de nos tarifs de douane.

Le projet de loi rencontra cependant au sein de la commission, et lors de la discussion publique, de vives objections. Non-seulement la procédure fut critiquée par des orateurs qui auraient voulu, selon la règle parlementaire, discuter sur un traité en forme, et non sur de simples bases, mais encore on relevait dans la proposition du gouvernement, telle qu’elle se produisait, un péril industriel et une lacune. Le péril, c’était d’introduire sur le marché français la concurrence de l’Alsace, désormais allemande, et d’ouvrir aux marchandises du Zollverein un accès indûment privilégié par le territoire des provinces cédées ; la lacune, c’était l’omission de la réciprocité pour l’admission en franchise ou à droit réduit dans l’Alsace-Lorraine des produits français manufacturés qui seraient destinés à la consommation dans ces provinces. Une question qui était essentiellement politique, qui touchait par les côtés les plus sensibles à l’indépendance même du pays, fut ainsi rabaissée aux proportions d’un débat industriel, où l’on vit les tissus de la Normandie se défendre contre les imprimés de Mulhouse et les fers de la Haute-Marne s’escrimer contre les fers de la Moselle. Les partisans de la protection ouvrirent au sujet du traité une véritable campagne, qu’ils auraient pu facilement réserver pour une occasion moins ingrate, et, par une infortune singulière, ils s’élevèrent contre un acte qui avait pour auteurs convaincus, passionnés, le président de la république, M. Thiers, partisan déclaré de la protection industrielle, et le ministre des finances, M. Pouyer-Quertier, dont l’opinion en cette matière ne saurait être suspecte.

Il n’était que trop vrai, comme on le faisait observer, que l’Alsace-Lorraine avait cessé d’être française, et que, selon la théorie protectioniste et même selon la loi, elle avait perdu ses droits sur notre marché, qui n’était plus pour elle le marché national. Sans