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les Blemmyes furent informés de l’approche d’une armée d’autres nomades avec lesquels ils étaient en guerre : ils se précipitèrent à leur rencontre, laissant sur la place les prisonniers qu’ils traînaient avec eux. Heureusement qu’on n’était pas loin des terres romaines, et Nestorius put atteindre la petite ville de Panopolis, non pourtant sans de grandes souffrances, car il était vieux et infirme.

De Panopolis, il s’empressa d’écrire au gouverneur de Thèbes par quelle aventure il se trouvait dans sa province, afin qu’on ne l’accusât pas d’avoir rompu volontairement son ban. A son tour, le gouverneur de Thèbes eut peur ; il craignit que, s’il lui accordait un asile sans l’assentiment du gouverneur-général de l’Égypte, on ne le soupçonnât d’être lui-même fauteur des simoniens, car une loi dictée par la plus étrange des rancunes avait changé le nom de Nestorius en celui de Simon, par assimilation à Simon le Magicien, le plus criminel des hérétiques, et ses partisans étaient appelés officiellement simoniens. En attendant la réponse de son chef, il fit partir Nestorius pour l’île d’Éléphantine, le point extrême de l’Égypte et la limite de l’empire romain vers l’Ethiopie ; mais Nestorius ne put supporter la fatigue du voyage : il tomba de cheval et se blessa gravement à la main et au côté. On le ramena à Panopolis, d’où pourtant on voulut l’exiler encore. Le malheureux, à bout de forces et de patience, écrivit au gouverneur une lettre pleine de fierté dans laquelle il invoquait le droit de son âge et le droit de sa condition passée, demandant qu’il en fût référé à l’empereur ; mais, dit l’historien de qui nous tenons ces détails, c’était l’empereur lui-même qui l’ordonnait. La mort vint enfin le délivrer de ses bourreaux. La gangrène qui se mit à son côté s’étendit à l’intérieur du corps, et lui dévora les entrailles ; ses membres tombaient en pourriture et sa langue était mangée par les vers, ce qu’on ne manqua pas de présenter comme une juste punition de ses blasphèmes.


Nestorius n’était plus, mais le nestorianisme vivait, conservant son vrai nom en dépit de l’appellation odieuse par laquelle la loi essayait de le déshonorer. Il vivait, se propageant par la persécution même et se greffant sur quiconque faisait opposition au concile d’Éphèse. Or beaucoup d’évêques (et c’était la grande majorité dans le patriarcat d’Orient) rejetaient le concile d’Éphèse pour des questions particulières sans cesser d’être orthodoxes en ce qui concernait la doctrine de l’incarnation. On pouvait en effet le rejeter : 1° parce qu’il avait été une assemblée tumultuaire, illégale, incomplète, qui ne pouvait point prétendre au titre de concile œcuménique, une assemblée usurpatrice qui avait privé de son droit de suffrage la grande église de Syrie ; 2° on pouvait le rejeter encore