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Les Orientaux enfermaient leurs adversaires dans ce dilemme : « si vous croyez que les anathématismes sont bons, discutez-les avec nous en présence de l’empereur, et nous nous chargeons de les mettre à néant ; si vous ne le croyez pas, reconnaissez votre erreur et abandonnez-les. » L’empereur approuvait la proposition comme raisonnable et juste, mais les cyrilliens refusèrent le débat, ne voulant ni d’une chose ni de l’autre. « Ils parlent avec beaucoup de hauteur et de bruit, écrivaient les Orientaux à leur assemblée, et les puissances et les ministres souffrent cette insolence sans la réprimer. » A force d’instances, les Orientaux obtinrent enfin de l’empereur la promesse formelle d’une conférence écrite. On appelait ainsi les conférences où des notaires assistaient pour consigner dans un procès-verbal authentique les dires de chaque partie ; c’était la forme la plus solennelle des discussions théologiques.

Confians dans la parole du souverain, Jean d’Antioche et les siens se préparaient en gens de cœur à des débats où ils allaient engager la foi, lorsqu’ils furent informés subitement que la conférence n’aurait point lieu : l’empereur était parti pour Constantinople le jour même, et il avait donné ordre à plusieurs évêques cyrilliens de le suivre ; ils allaient ordonner dans la ville impériale le successeur de Nestorius. Ce fut un coup de poignard pour les Orientaux. Il y avait dans cet acte du remplacement de Nestorius le déni de toutes les promesses faites par le prince, le désaveu de ses propres opinions, la reconnaissance enfin de ce concile d’Éphèse qu’il n’avait cessé de déclarer depuis six mois illégitime et séditieux. L’archevêque appelé à ce siège, dont on contestait la vacance, était un simple prêtre nommé Maximien, né et élevé à Rome, où il avait été compagnon d’enfance du pape Célestin, venu ensuite à Constantinople, où Chrysostome l’avait attaché à son église. Les historiens le représentent comme un homme honnête, mais nul, sans lettres, sans pratique des affaires, menant la vie d’un moine dans sa maison, généreux d’ailleurs et s’occupant beaucoup des pauvres. Il s’était rendu populaire par un mode assez étrange de charité ; sa manie était de faire construire à ses frais des sépulcres de pierre où il faisait déposer les personnes qui mouraient saintement, et dont la famille n’était pas assez riche pour leur donner une telle sépulture. Les survivans lui en furent reconnaissais, car il eut tout le peuple dans son parti. Les gens éclairés lui opposèrent en vain cet éloquent Proclus, l’avocat des traditions de l’église de Constantinople contre les nouveautés de Nestorius, et celui dont le courage avait ouvert la lutte contre l’hérésiarque : Proclus fut battu. Maximien présentait du reste cet avantage, qu’il était un lien nouveau entre l’église de Rome et l’assemblée de Cyrille.