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mettre de plus. « Nous avons résolu, dirent-ils, de ne délibérer sur aucune matière tant que notre chef ne sera pas en liberté. » Les Orientaux se trouvèrent fort embarrassés de rédiger un programme sur l’incarnation en face de Cyrille, dont ils combattaient les anathématismes : ils se contentèrent d’adresser au comte Jean une copie du symbole de Nicée, souscrit par eux tous, ajoutant que telle était la règle de leur croyance. Trompé encore cette fois dans son attente, le haut-commissaire, au moyen d’informations personnelles sur la plupart des évêques, se convainquit que l’immense majorité admettait le terme de Marie mère de Dieu, sauf parfois certaines explications ou réserves. Il en conclut que c’était la doctrine que l’empereur devait considérer comme orthodoxe et soutenir dans les actes de son autorité. Tel fut l’esprit de son rapport. Il restait à dissoudre les assemblées et à rendre les évêques à leurs églises ; mais les mêmes hommes qui avaient tant demandé qu’on les renvoyât chez eux refusèrent alors de partir. Les cyrilliens déclarèrent qu’ils ne se sépareraient pas en laissant leur président sous les verrous, et par extraordinaire les Orientaux opinèrent dans le même sens : il leur peinait de renoncer à ce concile œcuménique où ils comptaient bien foudroyer leur ennemi et ses anathématismes. Les deux partis réclamaient donc avec la même vivacité contre la décision du comte Jean, faisant appel à l’empereur pour qu’il daignât les entendre et juger par lui-même. C’était un vrai refus d’obéir et presque une révolte : le comte Jean n’avait plus qu’à repartir pour aller rendre compte de sa mission.

Pendant son absence, une révolution de palais s’était opérée, et l’esprit faible et indécis de Théodose avait tourné d’un pôle à l’autre. Les députés cyrilliens, dont l’abbé Dalmatius avait obtenu l’envoi, se trouvaient depuis quelque temps à Constantinople ; ils avaient vu les vierges-reines, fait sonner haut les périls de la foi et réveillé l’ardeur religieuse de Pulchérie, que commençaient à décourager l’ingratitude de son frère et les vexations de la cour. L’ancienne régente éleva la voix au-dessus des courtisans et des eunuques, et Théodose baissa la tête. Elle appuyait la demande des cyrilliens, pour que l’empereur évoquât l’affaire à son tribunal et la jugeât lui-même souverainement. Théodose, harcelé, fatigué, finit par y consentir, et, comme il advint que les Orientaux lui adressèrent précisément la même requête, il décida que les deux partis comparaîtraient. par députation et exposeraient leurs griefs devant lui, séant en consistoire sacré. Pulchérie eût été tentée peut-être de rejeter l’assistance des officiers consistoriaux, mais elle se dit qu’elle serait là pour combattre au besoin leur influence sur le prince. C’était déjà un grand succès ; mais la victoire n’était pas encore