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désirer plus équitable, plus religieux, plus éclairé que l’empereur Théodose ?

L’incertitude du vrai au milieu de ces contradictions fatiguait le prince et son conseil. Ils prirent le parti d’envoyer sur les lieux un habile agent d’affaires, le magistrien Palladius, pour tout observer par lui-même et rapporter ensuite de vive voix ce qu’il aurait entendu et vu : le prince prendrait là-dessus une résolution définitive. En attendant le retour de cet agent, et pour protéger contre les préventions du public les officiers impériaux présens à Éphèse, le gouvernement résolut de suspendre toute correspondance particulière entre cette ville et Constantinople, et des mesures administratives furent prescrites dans cette intention. Les préposés de la police et de la douane soit à Éphèse soit à Constantinople eurent ordre de visiter les voyageurs et leurs paquets, soit au départ, soit à l’arrivée, afin de s’assurer s’ils ne recelaient point quelqu’une des dépêches prohibées. La recherche était rigoureuse et la pénalité très grave, de sorte que les partis ne savaient plus comment faire parvenir leurs manifestes ; mais l’imagination des partis est inépuisable, et ils réussissent toujours à opposer la ruse à la force qui veut les opprimer. Il y avait dans Éphèse un mendiant connu de tous, qui parcourait journellement les rues de la ville un bâton noueux à la main, demandant l’aumône aux passans. Ce mendiant disparut tout à coup : il avait obtenu par charité une place sur un navire en partance pour le Bosphore, probablement parmi les bagages et les animaux de la cargaison. Il n’emportait rien avec lui que son bâton et son vêtement misérable, où l’on ne trouva rien, si on le visita, et il ne fut pas plus inquiété à son arrivée qu’à son départ. Sorti du navire, il se remit à tendre la main dans les rues de Constantinople, comme il le faisait à Éphèse. Il semblait du reste bien connaître la ville, et se dirigea sans hésitation vers le monastère que l’abbé Dalmatius gouvernait hors des portes de la ville. Il frappe et demande à voir l’archimandrite, disant qu’il avait des choses importantes à lui révéler ; mais on n’abordait pas si facilement le révérendissime personnage. Il fallut du temps et des pourparlers pour que le mendiant fût enfin admis en sa présence. Ouvrant alors son bâton, qui était creux, il remit au moine une lettre de Cyrille, d’autres dépêches, et le procès-verbal du concile, qu’on n’avait pas encore in extenso au-delà de la mer. Dalmatius lut ces pièces avec avidité, et conçut en les lisant un projet qu’il exécuta sans retard.

Je dois dire d’abord en quelques mots ce qu’était l’archimandrite Dalmatius et pourquoi les pères du concile le choisissaient entre tous pour en faire l’interprète de leurs plaintes. Il appartenait à cette classe de cénobites encore rares alors qui avaient fait le vœu, en entrant au monastère, de n’en plus sortir vivans ; plusieurs même,