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on la fit publier à son de trompe par des crieurs. Cyrille passa la journée à réunir les brouillons des notaires pour former les actes authentiques de la séance, et le bruit courut qu’il les avait altérés. Le 23 et le 24 furent consacrés à des prédications passionnées dans lesquelles on déchirait Nestorius à qui mieux mieux ; le 25, Jean d’Antioche était devant Éphèse.


III

La colonne des Orientaux déboucha donc le 25 juin vers la porte d’Éphèse qui regardait Antioche ; ils étaient dans le plus misérable accoutrement, harassés de fatigue et couverts de poussière, les uns à cheval, les autres en litière ou dans les chars de la course publique ; le patriarche figurait parmi ces derniers. Ils trouvèrent à la porte le comte Irénée qui venait au-devant d’eux avec une escorte d’honneur, et qui leur raconta brièvement ce qui s’était passé depuis trois jours : le refus obstiné de les attendre de la part de Cyrille et des siens, la constitution d’un faux concile malgré l’opposition du commissaire impérial, le comte Candidien, et malgré la protestation de soixante-huit évêques indépendans, enfin le jugement de Nestorius et sa condamnation, le tout accompli en une seule journée. A mesure qu’il parlait, la colère montait au front des Orientaux ; ils décidèrent entre eux qu’ils se formeraient en synode sitôt leur arrivée pour prendre un parti et agir. Comme la colonne « reprenait sa marche, le patriarche aperçut plusieurs évêques accompagnés de quelques clercs qui cherchaient à se faire jour à travers la foule pour arriver jusqu’à lui. C’était une députation de l’assemblée de Cyrille qui venait lui signifier, de la part de cette assemblée, qu’il s’abstînt de communiquer avec Nestorius, hérétique condamné, sous peine d’excommunication pour lui-même et pour les siens. Il se douta de ce que ces évêques lui voulaient, fit signe qu’on les écartât et poussa plus loin.

Arrivés à la maison qu’ils devaient occuper, les Orientaux mirent pied à terre, et sans changer de vêtemens, sans secouer, dit un document contemporain, la poussière dont ils étaient blanchis, ils entrèrent dans une salle où d’autres évêques en grand nombre les attendaient. Ces évêques appartenaient au parti des indépendans et venaient leur souhaiter la bienvenue. En se comptant, les Orientaux virent avec tristesse qu’ils n’étaient plus que trente-sept pour représenter la plus grande église de l’Asie. Jean dut alors se repentir d’avoir donné à la lettre impériale une interprétation trop judaïque en ce qui concernait le nombre des suffragans, et son repentir dut être encore plus vif lorsqu’il apprit que Cyrille et Memnon en avaient autour d’eux toute une armée.