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l’assemblée. « Nous anathématisons tous cette lettre, crièrent les évêques, nous anathématisons l’hérétique Nestorius, et quiconque ne l’anathématisera pas, qu’il soit anathème ! » La lettre du pape Célestin fut lue ensuite, et on lui donna de grands éloges ; puis vint la dernière de Cyrille, qui finissait par les douze anathématismes. Personne n’éleva la voix pour l’expliquer, la soutenir ou la combattre : elle fut écoutée sans approbation ni désapprobation ; cependant le fait seul qu’elle avait été admise entraînait une approbation tacite. Après plusieurs autres pièces de moindre importance, on passa aux témoignages oraux, et alors se produisit une scène attendrissante qui jette quelque intérêt sur ces débats passionnés.

On vit se lever de son siège un homme vénérable, qui, la voix entrecoupée de sanglots et les yeux baignés de larmes, fit la déposition suivante. — C’était Acacius de Mélytène. — « Je le sais bien, toute affection privée doit céder quand il s’agit de la foi et de la piété envers Dieu. J’ai aimé le seigneur Nestorius plus que personne en ce monde, et j’aurais désiré le sauver ; mais puisque la nécessité m’oblige à dire ce que je sais de lui, je le dirai en toute vérité, car la damnation de mon âme en dépend. Lors de mon arrivée dans cette ville d’Éphèse, j’ai vu Nestorius, et, ne le trouvant pas dans la droite voie, je me suis donné pour tâche de l’y ramener. Je crus y réussir et je fus heureux ; lui-même, par ses paroles, m’y faisait croire. Rempli d’espérance, j’étais venu, après douze jours d’intervalle, reprendre notre conversation ; mais je le trouvai tout changé. Il cherchait, par des questions insidieuses ou absurdes, tantôt à me faire nier l’incarnation de la Divinité dans la personne du Sauveur, tantôt (ce qui n’était pas moins impie) à prétendre que la divinité du Père et du Saint-Esprit s’était faite chair en même temps que le Verbe divin. Je repoussais ces perverses témérités quand un certain évêque de sa compagnie assura qu’il fallait distinguer le fils de Dieu selon l’hypostase de la Trinité du fils de Dieu qui avait subi la mort sur la croix. Hors d’état de supporter de tels blasphèmes, je pris congé d’eux, et partis. »

Quand il eut fini sa déposition, plus détaillée dans les actes, Théodote d’Ancyre à son tour se leva, non moins troublé, et portant dans son attitude les marques d’une profonde émotion. « C’est le cœur plein d’amertume que je viens, dit-il, témoigner contre un ami ; mais, puisque le service de Dieu l’exige, je surmonterai ma douleur pour exposer la vérité dans les choses sur lesquelles on m’interroge, quoiqu’au fond je pense que mon témoignage n’était pas nécessaire. » Alors il raconta les étranges propos de Nestorius sur un Dieu de deux mois, de trois mois, sur un Dieu allaité par une femme et contraint de fuir pour sauver sa vie… « Je n’ai pas