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évêques du parti de Cyrille prenaient place dans l’église de Marie. Cyrille occupait le siège de la présidence, ses assesseurs étaient près de lui, et les notaires chacun à son poste. On avait placé au milieu, sur un trône élevé, disent les actes, le livre des Évangiles, comme pour indiquer que Jésus-Christ était appelé en témoignage dans les débats qui allaient commencer sur l’honneur dû à sa sainte mère. Au moment où, suivant l’usage, le protonotaire indiquait aux assistans l’objet de la réunion, le comte Candidien entra dans l’église avec une troupe de soldats ; derrière lui marchaient une députation des soixante-huit signataires de la protestation, qui venait la renouveler en face de l’assemblée, et quelques évêques connus pour appartenir à l’entourage de Nestorius. Candidien s’avança et dit d’une voix haute : « Les ordres de notre très religieux empereur interdisent la réunion d’assemblées particulières, cette source de discordes et de schismes, et exigent la présence du plus grand nombre possible d’évêques pour constituer le concile. Or beaucoup manquent encore et sont attendus incessamment ; vous ne formez donc point le concile, vous n’êtes qu’une assemblée particulière, et je vous invite à vous séparer sur-le-champ. — Lisez-nous la lettre sacrée (c’est ainsi qu’en style officiel on désignait les lettres écrites par le prince), s’écrièrent plusieurs voix à la fois ; la lettre sacrée !… — Il ne m’est permis de la lire, reprit le comte Candidien, que devant le concile légalement constitué, et vous ne la connaîtrez que lorsque le révérendissime archevêque d’Antioche sera ici avec les siens. Ils ne sont plus qu’à trois journées de marche ; j’en reçois l’assurance par un de mes officiers envoyés à leur rencontre ; je vous le répète avec instance : séparez-vous ! » Un tumulte effroyable suivit ce discours. Tous parlaient à la fois. « Comment voulez-vous, disait-on à Candidien, que nous obéissions aux volontés de l’empereur, si nous ignorons ce qu’il ordonne ? » Et on lui criait de nouveau de lire la lettre impériale. Candidien resta un moment interdit et comme se consultant lui-même, puis il déploya un rouleau de papier qu’il tenait à la main, et lut à haute voix ce qu’il contenait. C’étaient ses propres instructions, celles par lesquelles étaient déterminées ses attributions et ses devoirs comme haut-commissaire près de la future assemblée. Elles contenaient dans leurs dispositions principales, outre celles qui voulaient que le concile se composât du plus grand nombre possible d’évêques « afin, y était-il dit, que ses décisions émanassent d’un même esprit et d’un même cœur, » que les premières matières mises en délibération seraient des matières de foi, les questions personnelles ou individuelles étant rejetées à la fin ; — que de plus le commissaire impérial, illustrissime comte Candidien, préposé au maintien de l’ordre et de la discipline, n’assisterait point aux discussions de dogme, ces questions étant de