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découragés, plusieurs même sont morts ; tous demandent à partir, et quelques-uns sont déjà partis. Que ceux qui se sont montrés exacts et soucieux de leurs devoirs ne pâtissent pas au moins pour les autres. » Telles étaient ses raisons publiques ; mais en particulier il insinuait à ses partisans « que les Orientaux arrivaient pour absoudre Nestorius, dont Jean était l’ami, et qui ne faisait d’ailleurs que reproduire dans ses prédications l’enseignement de l’église d’Antioche. Les attendre, c’était vouloir assurer dans le concile le triomphe de l’hérésie. » Ces raisons de parti prévalurent ; on se compta, et, les cyrilliens s’étant trouvés au nombre de 198, Cyrille résolut de tenter l’aventure.

Le jour même, l’invitation fut envoyée à tous les évêques, en son nom et en celui de Juvénal de Jérusalem comme vice-président, de se réunir le 22 au point du jour dans l’église de Marie, comme portent les actes, pour procéder à l’ouverture du concile. En même temps quatre évêques se présentèrent chez Nestorius et lui remirent une sommation par écrit de comparaître comme accusé. Nestorius répondit qu’il verrait ce qu’il aurait à faire quand le concile serait assemblé juridiquement, et il avertit le comte Candidien de ce qui se tramait. Ce représentant de l’empereur, surpris comme tout le monde, employa la journée du lendemain 21, qui était un dimanche, à visiter les évêques de la majorité et à leur faire comprendre qu’ils rompaient violemment avec les instructions de l’empereur, lesquelles voulaient que la réunion des évêques fût la plus nombreuse possible, et qu’on l’obligerait, lui, représentant du prince, à frapper de nullité tout ce qui serait fait en dehors des Orientaux. Cet avertissement fut de plus signifié par écrit à Cyrille et à Juvénal, signataires de la lettre d’appel ; mais Candidien n’eut pas de réponse.

Dans cette même journée du dimanche, les évêques du parti indépendant, auxquels se joignirent plusieurs des nestoriens, rédigèrent une protestation contre le coup préparé par Cyrille ; ils réclamaient : 1° qu’on attendît les Orientaux, sans lesquels on ne pouvait se constituer, et qui étaient sur le point d’arriver ; 2° qu’avant de procéder à toute constitution de l’assemblée, on fît l’épuration de ses membres en expulsant nombre d’évêques inconnus ou indignes, gens déposés, suspendus, excommuniés ou venant siéger sans mandat. Ils déclaraient que, s’il n’était fait droit à leur requête, ils poursuivraient, suivant la rigueur des lois canoniques, les auteurs et fauteurs de toute mesure contraire aux règles de l’église. Soixante-huit évêques, dont quarante-huit métropolitains, signèrent cette protestation, qui fut signifiée le jour même à Cyrille, et ne reçut pas plus de réponse que celle du comte Candidien.

Le lundi 22 au point du jour, les cent quatre-vingt-dix-huit