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Marsyas, dans une forêt voisine de Cyr. Il y composa son Histoire ecclésiastique, qui a fait sa renommée dans la postérité, et des traités théologiques qui le rendirent plus célèbre chez ses contemporains. La petite ville de Cyr, sur le territoire de laquelle il s’était établi, réduite par le malheur des temps à l’état d’un gros bourg, manquait de tout ce qui constituait chez les anciens l’existence municipale. Théodoret employa le reste de sa fortune à lui donner tout cela. Elle n’avait pas d’eau dans ses fontaines ruinées, il en fit venir à grands frais. Le fleuve Marsyas l’inondait tous les ans par ses crues, il fit construire des digues pour le contenir et des ponts pour le traverser. Les habitans ne savaient où se réunir, ni en plein air, ni sous un toit : il leur bâtit un forum entouré de portiques ; leur église tombait de vétusté, il leur en fit une autre.

Après avoir ainsi payé sa bienvenue à la ville de Cyr, le nouveau citoyen se trouva aussi pauvre que les anciens. « Je n’ai plus rien, écrivait-il gaîment à un ami, ni un pied de terre, ni une maison, ni un tombeau ; les habits qui me couvrent composent tout mon bien. » La ville le récompensa en le nommant son évêque. Dans cette position, qu’il accepta malgré lui, il se montra aussi désintéressé, aussi bienfaisant qu’auparavant. La conversion des hérétiques devint une de ses plus chères occupations. Il y en avait sur la frontière de la Syrie et de la Perse une multitude innombrable, appartenant à toutes les hérésies, bannis des persécutions religieuses, qui se faisaient Persans ou restaient Romains suivant que la tolérance régnait ou ne régnait pas dans l’empire. On eût dit une nation, mélange de toutes les croyances, de toutes les races, de toutes les misères humaines. Théodoret se rendit au milieu d’elle, et la ramena en partie à la foi. Quand il venait à Antioche pour les besoins de son diocèse, la population le guettait et l’entraînait à l’église, où on le forçait de prêcher. Dans cette ville de rhéteurs, amoureuse des périodes fleuries et du langage abondant, sa parole sévère et concise remuait tous les cœurs ; plusieurs fois le patriarche, présent à ses homélies, se leva pour donner le signal des applaudissemens ; puis Théodoret s’enfuyait dans sa solitude, honteux de tout le bruit qu’il avait provoqué. Tel était l’homme que les nécessités d’une lutte religieuse obligeaient de rentrer dans le monde, et qui devait y boire, à l’instar des sages antiques, avec lesquels on était tenté de le confondre, la ciguë des persécutions chrétiennes.


II

Cependant la fête de Pâques était passée, et les évêques prenaient successivement la direction d’Éphèse, les uns par terre, les autres par mer. La recommandation faite aux métropolitains par la lettre