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de gloire, et il ne demande qu’à recommencer ! C’est l’opposition qui a fait tout le mal ; c’est l’opposition qui a conduit nos affaires diplomatiques avec cette habileté singulière dont on a aujourd’hui le secret ; c’est l’opposition qui a empêché l’empereur d’avoir une armée ; c’est l’opposition qui a déclaré la guerre il y a un an, qui a manœuvré de façon à rendre la victoire impossible, et c’est encore la faute de l’opposition, des ennemis de l’empire, de M. Thiers sans doute, si on ne s’est pas arrêté après Sedan, si on n’a pas signé une paix qui ne nous eût coûté alors que l’Alsace et deux milliards d’indemnité ! Oui, on en vient à cette avilissante excuse que l’empire, si on l’avait laissé faire, aurait pu signer la paix en cédant l’Alsace, et on croit probablement le réhabiliter dans l’esprit du peuple français par ces belles révélations ! Lorsque Napoléon Ier, seul avec la poignée d’hommes qui lui restait et avec son génie, en était à se débattre au milieu des héroïques extrémités de la campagne de 1814, il avait au moins la fierté de dire qu’il y avait des conditions que d’autres pouvaient accepter sans déshonneur, qui pour lui seul étaient inacceptables. Son successeur a un orgueil plus conforme à son génie et à sa fortune, il aurait livré Strasbourg avec un supplément de deux milliards d’indemnité pour se sauver ! Donc le 4 septembre, qui est venu empêcher ce nouveau miracle d’habileté, est le seul coupable. Et quand il serait vrai que le 4 septembre fût un malheur de plus dans une situation où se pressaient désormais les catastrophes, quand les stratégistes de la guerre à outrance et de la république auraient conduit nos affaires en détresse aussi déplorablement que le chef d’armée qui marchait à la bataille avec deux cent mille hommes dispersés de Belfort à Metz, cela empêcherait-il que l’empire, qui avait tout dans les mains, n’ait préparé les désastres de notre pays ? L’empire aurait-il moins été le grand instrument de la démoralisation de la France ?

On aura beau s’évertuer en polémiques bruyantes et en plaidoyers réclamant les circonstances atténuantes, on ne trompera pas la bonne foi publique, et on n’intervertira pas les responsabilités. La vraie responsabilité de l’empire, c’est d’avoir laissé s’accomplir en 1866 des événemens qui mettaient en danger la puissance française, et d’avoir soulevé l’opinion en 1870 pour une guerre à laquelle il ne s’était même pas préparé après l’avoir rendue inévitable. Ces apologies rétrospectives qu’on essaie sont parfaitement oiseuses et ne répondent à rien. Qu’espère-t-on ? à qui pense-t-on faire illusion en rejetant sur d’autres la faute d’événemens dont on a été le maître, en faisant appel à la « justice d’un peuple » qu’on a conduit à la plus effroyable déroute, en se donnant comme le « souverain légitime » d’un pays qui porte si cruellement la peine d’une confiance surprise ? Quand on a été un pouvoir d’une certaine nature, fondé par les coups d’état, lorsque pendant vingt ans on a mis la main sur tous les droits et sur toutes les forces d’une nation, on s’est créé l’obligation de réussir à outrance, on est condamné