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De violer les destinées,
D’abattre les hommes sans choix,
Et d’atteindre en les races nées
Les races à naître à la fois.

Les couples d’amours qui demeurent
Font cependant de nouveaux nids,
Parmi tant d’isolés qui pleurent
Ils se sentent mieux réunis ;

Ils se blottissent mieux ensemble
Après tant de jours alarmans ;
Le retour du baiser leur semble
Plus doux que ses commencemens ;

Ainsi, comme ils surent s’attendre
Un long hiver, la neige aux pieds,
Ils se sont rejoints dans la cendre
Des anciens lits incendiés ;

Fils de la nature éternelle
Par qui les champs ont refleuri,
Les amours, invaincus comme elle„
Vont réparer le sang tari.

O peuple futur qui tressailles
Aux flancs des femmes d’aujourd’hui,
Ce printemps sort des funérailles,
Souviens-toi que tu sors de lui !


SULLY PRUDHOMME