Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’ouvrier mineur au berceau et l’accompagne jusqu’à la tombe, on va voir avec quel soin vigilant et au prix de quels sacrifices.

C’est par l’enfant qu’elle commence, et aux effets qu’elle a obtenus on peut juger avec quelle lenteur le goût de l’instruction se propage, même quand elle est libéralement distribuée. Aucun élément n’y manquait pourtant : gratuité absolue datant de plus de vingt ans, écoles bien installées et pourvues de bons instituteurs, encouragemens distribués aux élèves, facilités données aux adultes pour les heures des classes. Qui présumerait qu’après un quart de siècle de ce régime et des subventions annuelles qui s’élèvent à 38,000 fr., il reste encore 860 illettrés, non inscrits probablement, près des 2,706 élèves fréquentant les écoles communales ou libres qu’Anzin soutient de ses libéralités ? Et encore, sur les élèves inscrits, à peine en 1866 en comptait-on 10 pour 100 qui pussent fournir la preuve de notions vraiment sérieuses ; la plupart savaient tout au plus lire et écrire, sauf à l’oublier à quelque temps de là. Mise en éveil par cet échec, la compagnie avisa ; évidemment ses largesses portaient à faux : un changement eut lieu alors dans les termes de la subvention, et voici trois ans déjà que ce changement est en vigueur. Au lieu d’appointemens fixes, on paie aux instituteurs une rétribution mensuelle de 75 centimes par élève ; l’école touche plus à mesure que les bancs se peuplent davantage. En même temps, des primes ont été distribuées aux pères de famille qui fournissent à l’école les élèves les plus méritans. Ces mesures ont réussi, mais le résultat est toujours loin d’être en rapport avec la dépense ; les classes ont été plus suivies, le niveau des études est resté à peu près le même. Une seule exception est à faire, c’est pour une école spéciale qui recueille les mieux doués d’entre les élèves et leur enseigne les théories élémentaires exigées des chefs mineurs ; dirigée par les ingénieurs de la compagnie, cette école fournit aux cadres de la mine un choix d’excellens sujets. Une mesure utile également est de n’admettre dans les travaux du fond que les enfans qui savent lire et écrire. De bonnes semences sont ainsi jetées dans tous les sens ; avec le temps, la moisson lèvera, et paiera amplement toutes ces avances.

Voici donc l’enfant muni de quelques notions élémentaires ; ceux qui en sont privés ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes ou à leurs parens. Cette tutelle officieuse ne s’en tiendra pas là ; il est de tradition à Anzin qu’elle s’étende à tous les actes, à toutes les circonstances de la vie, avec les ménagemens que comporte la dignité des personnes. Anzin est servi en cela par la nature de ses exploitations, par une sorte de fixité dans le débouché et par suite dans le travail. Les cadres de la mine sont donc des cadres presque