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l’une des plus maniables que l’on connaisse ; à peine de loin en loin s’est-il élevé entre la compagnie et les ouvriers de petits dissentimens, bientôt aplanis. En cela, ses moyens sont des plus simples, et elle n’en fait point un secret : aller au-devant des prétentions légitimes pour ne point avoir à les combattre, s’en rendre l’arbitre avant qu’elles ne dégénèrent en excès.

Un autre moyen qu’elle emploie et qui lui a réussi, c’est de ménager à l’ambition de ses ouvriers des dérivations naturelles. Pour eux, l’idée fixe, et dans le métier le plus humble il y en a une, c’est d’arriver à de plus grands résultats au moyen de plus d’efforts. Aussi le salaire à la journée est-il, entre tous les modes de rétribution, celui qui est le moins patiemment supporté ; il ne représente que le plus ingrat des chiffres, sans perspective aléatoire, donnant le lendemain ce qu’il a donné la veille. S’il y a des tâches qui ne peuvent s’évaluer qu’ainsi, il en est d’autres, et parmi les meilleures, qui comportent d’autres moyens de règlement. C’est sur celles-ci que la compagnie d’Anzin a porté son attention en réduisant, autant que possible, les catégories des salaires fixes pour augmenter la nature et le nombre des salaires proportionnels. Les travaux du fond ont surtout profité de ce régime, qui mesure le prix de la tâche sur les quantités extraites, indépendamment du temps employé. D’autres mines, il est vrai, travaillent sur ce pied ; nulle part on ne le fait autant ni avec plus de suite qu’à Anzin. L’abatage du charbon s’y paie toujours proportionnellement. Quelquefois ce n’est qu’une tâche individuelle, s’appliquant à la surface d’une couche de charbon que le mineur doit abattre. Dans ce cas, la tâche varie en raison des difficultés du travail, et on l’établit en prenant pour base le travail d’un ouvrier de force moyenne en huit heures de temps ; elle est diminuée quand le travail devient plus difficile, augmentée quand il se fait avec plus d’aisance. Point de minimum d’ailleurs pour la tâche, tandis qu’au contraire elle a un maximum au-delà duquel elle ne s’élève jamais, quelle que soit d’ailleurs la facilité de l’abatage ; ce maximum est fixé à 4 mètres cubes 475. La tâche représente donc la journée de huit heures de travail ; elle est payée à raison de 3 francs. Cette combinaison laisse à l’ouvrier mineur la faculté d’ajouter à cette somme tout ce que sa vigueur, son assiduité et son habileté peuvent lui ménager d’excédans.

Ce n’est pas tout, près de la tâche individuelle, il y en a une autre non moins recherchée : c’est la tâche collective, en d’autres termes le marchandage. Ici, comme le mot l’indique, un marché se fait entre les ouvriers et les ingénieurs de la compagnie. Pour éloigner jusqu’à l’ombre d’une partialité ou d’une faveur quelconque, tout se passe au grand jour ; il y a adjudication au rabais. Les