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cheval sur l’Escaut, Saint-Saulve et Vieux-Condé en occupent la rive droite. Dans cet espace et sur des points choisis, la compagnie a ouvert 30 puits d’extraction que desservent 34 machines à vapeur ayant ensemble une force de 1,700 chevaux ; il sort chaque année de ces puits plus de 18 millions d’hectolitres de charbon, ce qui représente un dixième de la production totale de la France, et, on peut le dire, les meilleures qualités de combustible minéral que renferme notre sol, la houille grasse dite maréchale, les houilles à coke et à gaz, enfin les houilles demi-grasses, dures ou maigres, avec mélange d’anthracite. Pour étancher et assainir les galeries d’où s’extraient ces richesses souterraines, il a fallu mener de front d’autres travaux : contre les inondations les machines d’épuisement, contre les gaz méphitiques les puits d’aérage, contre les éboulemens les boisages et les remblais.

Tout cela, comme on le pense, s’est fait, non d’un bloc ni instantanément, mais par gradations, avec l’aide du temps et pour obéir à des besoins successifs. L’exécution mesurait d’ailleurs ses pas sur l’esprit de découvertes ; à chaque détail correspond une date dans les annales de la science. Ainsi la première machine d’épuisement montée sur le continent fut construite à Anzin en 1732 et appliquée aux fosses de Fresnes ; ainsi la première machine d’extraction connue en France est celle que l’on voit encore à la fosse de Vivier et qui remonte à 1802 : pour les eaux comme pour le charbon, on n’avait jusque-là employé que des manèges mus par des chevaux. Pour l’aérage des galeries, on se contentait de courans d’air qu’amenait le hasard des fouilles, sans chercher à diriger ces courans d’air méthodiquement ni à en accroître l’énergie ; encore moins suppléait-on par une ventilation artificielle à un aérage insuffisant. Aussi les accidens se succédaient-ils en jonchant le sol de victimes : c’était le feu, c’était l’eau, c’était surtout le terrible grisou, un gaz exterminateur qui foudroie tout sur son passage, et dont la lampe Davy n’a pas encore conjuré toutes les explosions ; c’étaient les éboulis, mal combattus par des boisages fragiles ou quelques piliers naturels, et dont l’art des mines n’a eu raison que par de solides remblais. Enfin restait comme dernière cause d’accidens la rupture du câble dans la descente et la remonte des ouvriers. Longtemps on s’était résigné à ce risque comme à une des fatalités de la profession, et il était tel que dans beaucoup de mines le passage par les puits était interdit par l’administration ; force était de descendre et de remonter par d’interminables escaliers, tellement à pic qu’ils donnaient le vertige et exténuaient les hommes. Ici encore le génie de l’invention a eu un problème à résoudre et l’a résolu. L’honneur en revient, dit-on, à un maître menuisier d’Anzin, M. Fontaine. Rien de plus simple, mais c’est