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à toutes les convoitises, qui comptaient, à tort ou à raison, sur un caprice de la faveur ou une défaillance de la justice. La proie était belle, et il eût semblé de bonne guerre de la surprendre dans une heure de sommeil. C’est ce que tentèrent par trois fois des hommes à qui les dépouilles d’Anzin eussent convenu, et deux fois, circonstance à noter, à la suite de changemens de règne, comme si c’étaient là des occasions où les notions du juste et de l’injuste deviennent confuses ; deux fois aussi les agresseurs furent gens d’épée, comme si le métier eût justifié toutes les surprises, même contre le droit le mieux fondé.

Le premier procès, intenté en 1806, n’était rien moins qu’une demande en spoliation des plus formelles et des plus crues que l’on pût imaginer. Une réunion de généraux qui s’étaient distribué les rôles et adjugé les parts présenta une requête au conseil d’état à l’effet d’obtenir toutes les concessions d’Anzin comme si elles eussent été vacantes. Le prétexte à l’appui était que la compagnie avait encouru la déchéance en ne se constituant pas en conformité des lois révolutionnaires, et le motif de préférence en faveur des généraux n’avait pas besoin, ajoutaient-ils, d’autre justification que leurs états de services. De toute autre part et en tout autre temps, personne n’eût pris au sérieux ces prétentions ; il fallait en tenir compte dans les premiers jours de l’empire, quand les fumées de la victoire montaient à tous les cerveaux. Le conseil d’état n’était pas souvent d’humeur à débouter les militaires, même de leurs plus mauvaises causes, et l’empereur, qui cherchait dans toute l’Europe des dotations pour ses maréchaux, n’eût pas été fâché de trouver sous sa main, en France même, quelques bonnes occasions de leur faire des largesses. Il paraît même qu’à propos d’Anzin il hésita quelque temps. Dans sa Législation sur les mines, Locré rapporte quelques mots de lui qui trahiraient cette hésitation. C’est à propos de la loi de 1810, alors en discussion au conseil d’état. Napoléon venait de dire « que les tribunaux seuls avaient qualité pour vider les questions qui touchent les mines, et qu’il ne fallait jamais là-dessus sortir du droit commun, attendu, que les mines sont de véritables propriétés ; » puis il ajouta : « Si l’on s’était toujours conformé à ce système, je n’aurais pas failli être surpris dans l’affaire des mines d’Anzin, » d’où on peut conclure qu’il y aurait eu chez le maître un moment de condescendance suivi d’un retour. Quoi qu’il en soit, la réunion des généraux en fut pour sa tentative de pillage du bien d’autrui. Une décision du conseil d’état, en date du 27 mars 1806, reconnut que la compagnie d’Anzin, s’étant conformée à toutes les lois de l’époque, était dès lors bien et dûment en possession des concessions par elle exploitées.

Les deux autres procès vinrent d’une compagnie voisine, la