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dont l’industrie des mines n’aurait pu s’accommoder. Les droits féodaux étant perpétuels, cette circonstance permettait seule d’assigner une échéance aux deux concessions ; elles devaient finir en 1760.

A. étudier les titres, cette période est la plus curieuse de l’histoire d’Anzin ; un conflit s’élevait entre d’anciens et de nouveaux maîtres. On y vit la grande noblesse aux prises avec la petite, et les acquisitions du travail en butte aux revendications des privilèges du sang. Ces concessionnaires armés de droits égaux n’avaient pas les mêmes moyens d’en assurer le respect. Les premiers en date avaient pour eux la découverte et près de quarante ans de travaux, les seconds la supériorité du rang et ce droit de haute justice qui couvrait tant de petites iniquités. Aucune paix n’était possible, si ce n’est à titre onéreux, et les associés d’Anzin, en gens de loi, aimaient mieux plaider que se rendre. De là une suite de procès, surtout avec le marquis de Cernay, que les contrariétés de voisinage rendaient de moins en moins traitable. Pour les moindres empiétemens, on échangeait des exploits ou des diatribes violentes ; pour un défaut de formes ou une querelle de personnes, on échangeait du papier timbré. Plus éloigné d’Anzin, plus jaloux de son repos, le prince de Croy ne trempait pas dans cette guerre de chicanes ; toutefois il prenait sans bruit de redoutables positions. La concession de Fresnes expirait en 1760 ; le prince n’entendait pas la troubler, mais il avait d’avance fait des réserves pour rentrer à échéance dans son domaine féodal avec tous les droits qui y étaient inhérens. Des litiges, il est vrai, restaient pendans, des échéances étaient à débattre ; la menace ne subsistait pas moins. Bref, de part et d’autres les batteries étaient dressées pour un siège en règle ; le marquis de Cernay avec des querelles de détail, le prince de Croy avec une éviction en perspective, avaient amené Desandrouin et Taffin à cette extrémité de composer avec eux, sous peine d’être constamment troublés dans une partie de leurs concessions et dépossédés de l’autre.

Il ne restait qu’un moyen de couper court à ces conflits, c’était de réunir en un intérêt commun des intérêts prêts à se combattre. Dès longtemps, le prince y avait songé ; ses actes, même hostiles, y avaient concouru, — il voulait s’en servir comme d’un instrument de conciliation. Il n’était en cela que l’écho du cri public. Tous les hommes sensés déploraient les divisions locales qui faisaient beau jeu à l’exploitation belge, déjà mieux armée et mieux servie que la nôtre par la nature des lieux. Le seul moyen de salut, d’après eux, était de fondre ces petites compagnies disposées à s’entre-détruire en une puissante compagnie qui emprunterait aux seigneurs