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aux blessés militaires. Réunir des ressources de toute espèce, acheter avec les offrandes pécuniaires les objets les plus utiles, les expédier sur le théâtre de la guerre, aider ainsi le service sanitaire de l’armée, tel est le rôle que peuvent remplir ces sociétés, mais tel n’est pas le but que désignaient à leurs adhérens les fondateurs du comité de Genève, tel n’est pas le but que poursuivent aujourd’hui en France les sociétés de secours aux blessés. Venir directement en aide aux services sanitaires de l’armée, concourir parallèlement avec eux et au même titre au traitement des blessés, posséder son matériel, son personnel particulier, avoir ses ambulances, ses hôpitaux, voilà les aspirations de la plupart de ces comités, voilà les prétentions qu’ils ont élevées dans la dernière campagne. On a cité à l’appui de ces prétentions ce qui s’était passé en Amérique et en Prusse ; mais il y a là une erreur de fait. Presque tous ceux qui ont écrit sur l’organisation médicale de l’armée fédérale pendant la guerre de la sécession ont assez singulièrement attribué à la commission sanitaire des États-Unis, c’est-à-dire au comité central des sociétés de secours, un rôle que cette commission n’a jamais exercé. C’est le département médical de l’armée (War’s médical Department), dirigé d’abord par le docteur Hammond et plus tard par le docteur Barnes, c’est en définitive le ministère de la guerre (confié alors à M. E. Stanton), qui fit construire en Amérique 202 hôpitaux-généraux renfermant 136,894 lits, lesquels furent successivement occupés par plus de 2 millions de malades ou de blessés. C’est le département médical de la guerre qui fit mouvoir pendant toute la campagne les hommes et les choses, et pas un médecin de l’armée ou des hôpitaux militaires n’y fut nommé par une autre autorité que par le ministère de la guerre.

En Prusse, pendant la guerre du Slesvig, une société de secours intervint directement dans les soins à donner aux blessés sur le champ de bataille. Les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, sous la direction de leur grand-maître M. le comte de Stolberg-Wernigerode, avaient créé près de l’église de Nubel un petit hôpital fort bien installé, et qui recevait les blessés des tranchées de Duppel, d’où ils étaient transportés à Flensbourg. Cette ambulance, confiée aux soins du professeur Klopsch (de Breslau), était indépendante de celle de l’armée. Lorsque la convention de Genève, quelques mois plus tard, provoqua la création des sociétés civiles de secours, lesquelles prirent en Prusse un développement considérable, on régularisa leur action pour la faire concorder avec colle de la chirurgie d’armée. Une ordonnance du ministre de la guerre, en date du 31 mai 1866, régla la sphère d’action de ces sociétés. Chevaliers de Saint-Jean et chevaliers de Malte, association prussienne de secours aux blessés, furent placés sous la haute direction d’un commissaire