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ne sont pas reçues avec le même intérêt que dans la société anglaise. Si par un bonheur providentiel la nation se réveille, si la pensée de favoriser les recherches scientifiques et de donner un puissant essor à l’instruction publique parvient à dominer en France, on ne devra jamais oublier qu’il s’agit d’un vaste ensemble dont toutes les parties se touchent et s’enchaînent. On se tromperait en supposant que des mesures, ou isolées, ou mesquines, ou opérées sans méthode, produiraient des effets considérables. En 1868, un document officiel sur les misères de l’enseignement supérieur, assemblage confus d’indications émanées de sources diverses, provoquait de la part de M. Michel Chevalier la juste remarque que « les dispositions pratiques par lesquelles le ministre terminait son travail étaient lilliputiennes en comparaison de l’objet proposé. » En faisant luire l’espérance d’immenses améliorations lorsqu’on ne possède ni les lumières, ni les ressources matérielles qui permettraient de les réaliser, on porte sûrement un grave préjudice aux meilleures causes.

Pour entretenir et développer l’amour des études sérieuses, l’esprit public doit être sans cesse frappé par l’attrait de choses neuves et saisissantes. Chez ceux qui songent à la gloire du pays, l’imagination a besoin d’être excitée par des œuvres et des entreprises grandioses ; chez ceux qui avant tout se préoccupent du bien-être de l’humanité, la pensée veut être tenue en éveil par la certitude que les recherches de l’ordre le plus élevé peuvent exercer une influence heureuse sur le sort des individus. Que le mouvement se ralentisse, l’imagination languit, la pensée se détourne, et un affaiblissement général se manifeste. De l’avis des meilleurs juges, c’est là notre histoire. Il fut un jour où la France avait une prépondérance incontestée dans les diverses branches des connaissances humaines ; aujourd’hui cette prépondérance est revendiquée par d’autres nations. Attristés, mais certains que la sève n’est pas épuisée, des hommes de cœur qui consacrent leur vie à l’étude disent au gouvernement et à la société entière : Donnez-nous des moyens d’action, nous saurons les faire servir à de grands desseins, et, par l’exercice de l’observation et de l’expérience, nous élèverons une jeunesse intelligente à travailler d’une manière qui honore le pays. Avec une large assistance surgiraient bientôt des découvertes remarquables et des œuvres brillantes ; l’avancement de la science serait prodigieux, et les bienfaits d’une pareille activité intellectuelle se produiraient sous toutes les formes. Alors, par les chaires du haut enseignement, désormais pourvues de puissans moyens de démonstration et toujours occupées par les auteurs des travaux les plus estimés, se répandraient les connaissances qui font l’éclat d’une civilisation. Pourtant aucun succès durable ne serait assuré, si l’on