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On consulte les électeurs sur la nécessité de convoquer une convention. Si la réponse est affirmative, la législature décrète l’élection de l’assemblée de réforme. Cette assemblée rédige son travail sous forme de projet, et enfin ce projet est soumis à la ratification du peuple. Chacun de ces points mérite un examen particulier.

Qui consulte le peuple ? C’est la législature, c’est-à-dire les deux chambres de l’état. Prendre le vœu du peuple avant de toucher à la loi fondamentale, c’est le principe démocratique, la règle suprême. On y a surtout recours quand il s’agit d’une refonte totale de la constitution. C’est ainsi par exemple que fut réformée la constitution de l’état de New-York en 1821. La législature avait décidé simplement la convocation d’une convention ; cette décision fut annulée sur le vu des objections présentées par le chancelier Kent, un des plus grands jurisconsultes de l’Amérique. « La constitution, disait Kent, est la volonté du peuple sous sa forme expresse ; elle a pour objet la protection permanente, le bonheur durable de la génération présente et de la génération future ; la théorie républicaine et la pratique constante du pays exigent qu’on ne puisse à aucun degré altérer cet acte avant que le peuple n’ait exprimé formellement sa volonté sur ce point[1]. » Certaines constitutions font de cet appel au peuple une condition absolue ; telle est la constitution de l’Ouest-Virginie, qui a été rédigée en 1863. En d’autres états, où des constitutions depuis longtemps en vigueur n’ont besoin que de réformes partielles, on a admis un moyen plus court pour faire les amendemens nécessaires. C’est ce qu’on appelle le mode spécifique ; j’en parlerai plus loin.

En convoquant une convention, la législature fixe le nombre des députés à élire, la date et le lieu de la réunion. Elle décide également comment et dans quelles formes le nouveau projet de constitution sera soumis à la sanction populaire, mais elle ne règle pas la compétence de l’assemblée ; elle n’a pas le droit de lui interdire de toucher à tel ou tel article de la loi politique. On ne veut pas que la convention ne soit que l’écho de la législature ; on entend que dans sa sphère constituante elle jouisse d’une entière liberté.

La convention, élue en général par les électeurs ordinaires et composée d’un très petit nombre de personnes, a un caractère original, et fait pour renverser toutes nos théories révolutionnaires. Ce n’est pas une assemblée législative ; ses membres ne sont pas des représentans, ils sont de simples délégués. Convoquée par une législature qui existe avant elle, qui subsiste auprès d’elle et qui est destinée à lui survivre, la convention n’a aucune autorité politique ; c’est un simple comité chargé de soumettre au peuple un projet de

  1. Jameson, p. 493.