Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/753

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grossir un corps persan qui manœuvrait en Mésopotamie, furent enveloppés et exterminés. Ainsi se passait cette guerre, commencée victorieusement par Ardabure, réduite maintenant, malgré quelques hauts faits, à une occupation des terres romaines ruineuse pour le pays.

Bien que dans la balance des combats l’avantage fût évidemment pour l’empire, Théodose songeait à faire la paix ; mais il voulait la faire à son honneur et en dicter les conditions. L’affaire était délicate, et il envoya au camp romain, pour se concerter avec le maître des milices, son maître des offices Hélion, qui avait toute sa confiance. Après avoir examiné ensemble les divers moyens d’aborder Bahram, les deux Romains adoptèrent celui-ci. Près d’Ardabure, et en qualité d’assesseur, se trouvait un certain Maximin, ancien rhéteur probablement et « homme d’une puissante faconde, » suivant le mot des historiens ; probablement aussi Maximin avait eu quelques relations avec la cour de Perse du vivant d’Iezdjerd. On convint de l’envoyer secrètement au roi, tant pour sonder ses intentions que pour l’amener, s’il était possible, à une paix convenable. Maximin se fit donc introduire près de Bahram. « Il venait, disait-il, de la part des généraux, que fatiguait une guerre sans fin, et non de la part de l’empereur, qui ne savait rien de ce qui se passait à son armée et approuverait sans aucun doute tout ce que ceux-ci auraient décidé. » Donnant carrière alors à sa rhétorique, il ajouta « qu’Ardabure et ses collègues regrettaient de combattre un roi dont ils respectaient le caractère, comme ils avaient éprouvé sa valeur, et que leur ardent désir à tous, était de vivre en paix et bonne amitié avec un tel souverain. » Bahram le laissait parler et semblait entraîné par l’éloquence de l’assesseur : au fond, il songeait à ses propres affaires et à la famine qui menaçait son armée, car les subsistances lui manquaient. C’était pour lui une fortune inespérée de recevoir des propositions qu’il allait lui-même être obligé de faire : il accueillit donc fort poliment Maximin, lui dit qu’il réfléchirait, et l’engagea à rester provisoirement dans son camp.

Ces pourparlers avaient amené une espèce de trêve entre les combattans, lorsqu’une intervention, à laquelle on ne songeait pas, vint changer la face des choses. Cet intermédiaire qui se plaçait entre son souverain et l’ennemi dans les préliminaires d’un traité de paix n’était autre que le fameux corps des Immortels, avec lesquels un roi de Perse avait souvent à compter. On appelait ainsi un corps noble composé de 10,000 cavaliers qui subsistait en Perse depuis les premiers successeurs de Cyrus, et qui devait son nom à ce que sa force numérique restait la même, le soldat mort ou captif, étant aussitôt remplacé par un autre. Les Immortels, élite et