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n’était pas secouru à temps. Il ordonna de fermer les portes, de garnir la muraille, de monter les machines : présent partout, il inspirait les combattans, et il en fit des héros. Bahram, sachant qu’il n’y existait pas de garnison, avait cru s’emparer de Théodosiopolis par un coup de main ; cette résistance l’irrita. Il fit construire des tours d’attaque à la hauteur des murs, et approcher de puissans béliers pour les battre. Chacun de ses efforts échoua contre les manœuvres habiles des assiégés, et les Perses n’arrivèrent pas jusqu’à l’escalade. On trouvait toujours Eunomius aux endroits les plus attaquables, observant l’ennemi, dirigeant la défense, enjoignant l’exemple au commandement. Le siège durait depuis un mois entier, et l’armée persane, humiliée d’être arrêtée par une poignée d’hommes et par un prêtre, commençait à se décourager. Un des rois vassaux de Bahram s’étant avancé à portée de la voix, comme s’il eût voulu parlementer, se mit à proférer les menaces les plus horribles contre les habitans, entremêlées de blasphèmes contre leur Dieu. « C’était lui, leur criait-il, qui irait de sa main brûler leurs églises et profaner leurs autels ; il les ferait périr ensuite jusqu’au dernier. » Tandis qu’il vociférait, l’évêque fit pointer une forte baliste qui portait le nom de « Saint-Thomas, » et la pierre, partant avec une admirable justesse, atteignit le forcené à la bouche, lui écrasa la tête, et dispersa au loin sa cervelle. Les assiégés crièrent au miracle, les assiégeans au sortilège, et Bahram, frappé de superstition comme les autres, leva le siège, toujours blasphémant, mais vaincu.

La guerre continua l’année suivante avec un autre caractère ; les deux armées en présence se suivaient, s’observaient, escarmouchaient sans en venir à une affaire sérieuse. Cette inaction donna lieu à des épisodes brillans, à des coups de main hardis, à des combats singuliers où les guerriers de l’une et l’autre nation firent montre de leur valeur. Un satrape persan se présenta un jour près des lignes romaines, provoquant le plus brave à se mesurer avec lui. Aréobinde, le second des chefs romains en dignité, ne voulut céder à personne le droit de répondre au défi : il pique des deux, l’atteint, le saisit à bras-le-corps, le renverse de cheval et le perce de sa lance aux applaudissemens de ses soldats. Aréobinde commandait dans les troupes impériales le corps des fédérés, qui étaient presque tous des Goths, et Aréobinde probablement était Goth lui-même. On fit grand bruit aussi d’une embuscade dressée par Ardarbure, et dans laquelle il surprit et tua sept des chefs de l’armée persane. Un troisième général, nommé Avitianus, livra de son côté une bataille importante aux Sarrasins, qui avaient osé se remontrer ; et les mit en déroute. Enfin les habitans de Nisibe, à qui la levée du siège de leur ville avait donné de l’audace, étant allés