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en porta l’empreinte. Il laissait à ses fils tout son patrimoine : terres, maisons, statues, objets d’art de toute sorte, ne réservant à sa fille qu’une somme de cent écris d’or pour sa part d’héritage. Athénaïs, qui avait moins de confiance que son père dans les astres et dans sa beauté, supplia ses frères de lui délivrer sa légitime ; ils s’y refusèrent, le testament en main ; Athénaïs l’attaqua et perdit son procès. Désespérée de se trouver à son âge sans autre ressource que son misérable legs, tandis que ses frères allaient vivre dans l’opulence, dédaignée par eux et chassée de la maison paternelle, elle conçut le projet d’en appeler à l’empereur, à Pulchérie surtout, dont tout le monde vantait l’esprit de justice et de bonté. Une tante lui était restée fidèle dans son malheur ; ces deux femmes partirent pour Constantinople, où elles obtinrent une audience de la régente.

Tel fut le récit d’Athénaïs pendant l’audience de Pulchérie, et tandis qu’elle parlait, celle-ci ne cessait d’admirer sa distinction et sa grâce. Elle reçut la requête avec empressement, promit de faire étudier l’affaire au plus tôt, et, comme elle était elle-même un excellent juge des qualités de l’esprit, elle lui parla des études d’Athènes. Sur ce sujet, leurs cœurs se rapprochèrent involontairement. Augusta lui ayant demandé si elle était liée par le mariage : « Je ne le suis point, » répondit Athénaïs. Et à cette autre demande : « Êtes-vous chrétienne ? — Je suis, dit-elle, de la religion de mon père ; j’adore les dieux des Hellènes. » Plus Augusta l’interrogeait, plus elle crut avoir trouvé la femme dont elle devait faire sa belle-sœur ; mais cette femme était païenne, et après lui avoir confié une partie de ses desseins sur elle, elle lui conseilla de se faire baptiser. Athénaïs consentit sans trop de répugnance, et Atticus, qui occupait alors le trône archiépiscopal de Constantinople, fut chargé par Pulchérie de la diriger et de l’instruire. Douée d’une imagination poétique et d’une âme sensible à la beauté morale, Athénaïs se convertit sincèrement, et devint même une chrétienne exaltée. Ce fut Pulchérie qui la reçut au sortir de la cuve baptismale, et elle changea son nom païen en celui d’Eudocie, qui signifiait, d’après l’interprétation donnée par Athénaïs elle-même, « sage et faisant le bien. » Eudocie, dès ce jour, appela Pulchérie sa mère ; mais elle tint à conserver, en même temps que son nom chrétien, celui sous lequel s’étaient écoulées les douces années de son enfance.

Quels que fussent le charme de l’Athénienne et l’autorité qui s’attachait à un choix de Pulchérie, le jeune empereur ne se sentit point attiré de prime abord ; il hésita même longtemps, dit l’histoire, et peut-être se trouvait-il déjà sous cette fatale influence des eunuques que sa sœur avait voulu prévenir. Il fallut, pour le