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justice contre des frères qui l’avaient dépouillée de son patrimoine. Cette étrangère était fille d’un certain Léontius, sophiste d’Athènes, et se nommait Athénaïs ; elle était d’une rare beauté, éloquente et gracieuse dans son langage, et charma tellement Pulchérie par le récit de ses malheurs que celle-ci crut avoir trouvé en elle le trésor échappé à ses recherches, et que la Providence lui amenait à point. Avant d’aller plus loin, j’exposerai au lecteur ce que c’était alors qu’un sophiste d’Athènes, comment il pouvait avoir laissé après lui une succession assez considérable pour donner lieu à des procès qui allaient jusqu’à l’empereur, enfin quel était ce Léontius, père de la jeune Athénaïs ; nous puiserons la plupart de ces détails dans les ouvrages d’un historien contemporain qui ne fut pas étranger à la destinée de cette famille.

Ne montait pas qui voulait, même avec du talent, à la chaire, ou, comme on disait emphatiquement, au trône de sophiste dans la savante ville d’Athènes ; c’était là une position très enviée, très lucrative, à laquelle on n’arrivait guère qu’après des batailles en règle. Le manteau de sophiste n’était accordé que sur de longues épreuves par le suffrage des autres sophistes, et le droit de le porter ne se conférait qu’avec un cérémonial assez étrange. Une fois qu’on était autorisé à le revêtir, et qu’on avait d’ailleurs une éloquence facile et populaire, on voyait affluer chez soi la richesse et toutes les commodités qu’elle donne. Les profits des sophistes en renom étaient énormes. Outre les subventions qu’ils recevaient de leur ville ou de l’état, ils se faisaient payer chèrement les discours qu’ils allaient débiter devant les sénats des autres villes ou devant l’empereur, dans les solennités publiques. Quand ils avaient plu, ils rentraient chez eux riches pour toujours. On connaît cet Hérode Atticus qui construisit dans sa ville natale des théâtres, des portiques, et un stade de marbre blanc dont on admire encore aujourd’hui les débris. Sans être aussi riches que celui-là, beaucoup d’autres s’étaient rendus célèbres par leur opulence non moins que par leur talent. La fortune s’attachait donc, comme la gloire, au titre de sophiste dans la cité de Minerve ; mais la route pour y parvenir était encombrée de difficultés. Il fallait pour s’y aventurer de l’argent et des protections ; par l’argent, on se faisait un parti de disciples et d’admirateurs ; par les protections, on écartait ses rivaux, et on gagnait la faveur des juges. De ces brigues résultaient des factions qui divisaient perpétuellement l’école, et des luttes qui ne se bornaient pas toujours à la parole. Chaque candidat avait ses amis et ses ennemis qui parfois en venaient aux mains, et le succès de la candidature dépendait du sort du combat. La dernière épreuve était la plus scabreuse, elle demandait à l’aspirant de la fermeté d’âme, à ses amis de la fidélité et au courage. Un bizarre