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et s’efforcera d’étendre sa droite de façon à envelopper la ville par l’est. La réserve se tiendra entre les deux corps d’armée sur la route de Ham.

Le 19 au matin, la bataille s’engage au sud et à l’ouest de Saint-Quentin. Le canal, qui suit une ligne à peu près droite dans la direction du sud-ouest, partage en deux parties le vaste champ de bataille. A droite du canal, en tournant le dos à la ville, notre 23e corps s’étend jusqu’à la route de Cambrai ; à gauche, une division et une brigade du 22e corps occupent au lever du jour les hauteurs de Gauchy et de Grugies ; l’autre brigade est en réserve à Saint-Quentin. Nos lignes de retraite sont les routes du Cateau et de Cambrai. Une brigade de mobilisés est postée à Bellicourt, au nord de Saint-Quentin, pour les protéger. L’action commence du côté du 22e corps. L’ennemi attaque les hauteurs de Gauchy et de Grugies avec des forces considérables, les divisions Barnekow, prince Albert, Lippe, et la brigade de cavalerie de la garde, commandée par le prince de Hesse. Les nôtres, fort inférieurs en nombre, sont couverts par leurs tirailleurs et protégés avec une remarquable efficacité par une batterie établie sur une éminence, à mi-chemin de Gauchy à Saint-Quentin, près du Moulin-de-Tout-Vent ; mais bientôt se dessine le mouvement tournant sur la route de La Fère, l’ennemi masse ses colonnes, et menace de déborder notre gauche. La 4e brigade arrive alors au pas de course, et, se plaçant à la gauche du 22e corps, étend notre front de bataille jusqu’à la route de La Fère, elle prend même l’offensive et s’avance sur la route ; mais le colonel Aynès qui la commande, tombe mortellement frappé, et l’ennemi ramène nos troupes jusqu’aux premières maisons du faubourg d’Isle. Heureusement le 88e de marche l’arrête et le refoule par une charge à la baïonnette. Cependant l’attaque des hauteurs de Gauchy continue ; l’ennemi lance six fois à l’assaut de fortes colonnes chaque fois renouvelées ; nos soldats repoussent les assaillans, les poursuivent, s’approchant d’eux à quelques pas. Dans ces combats livrés de si près, où l’homme regarde l’homme en face, où comptent le courage, l’élan, l’adresse du soldat, ils malmènent leurs adversaires, dont les cadavres recouvrent le sol. Une charge d’un régiment de hussards allemands est en quelques minutes arrêtée, brisée par des feux d’ensemble. Sur ce point du champ de bataille, nous avions de très jeunes soldats, les mobiles du 91e et du 46e ; mal équipés, armés de médiocres fusils, ils ont mérité que le général en chef déclarât qu’ils avaient rivalisé de courage avec les vieilles troupes à côté desquelles ils ont combattu. Notre artillerie tenait toujours tête à l’artillerie ennemie : cinq batteries étaient venues s’établir autour du Moulin-de-Tout-Vent ; de cette admirable position, l’on découvre tout le champ de