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lois de la morale comme des principes du droit des gens ? C’était au milieu des luttes parlementaires et des négociations européennes que le duc de Broglie commençait ces fortes études philosophiques et historiques qui devaient faire de lui un chrétien.

Le succès ne manqua point à son activité prudente ; partout les affaires de la France au dehors reçurent de lui une impulsion à la fois monarchique et libérale, efficace sans bravade. La question belge était encore en suspens ; la conférence de Londres s’était séparée sans accomplir elle-même l’œuvre dont elle avait accepté le principe, le divorce entre la Hollande et la Belgique. Du 22 octobre au 23 décembre 1832, en vertu de l’accord conclu entre la France et l’Angleterre, une armée française entra en Belgique ; Anvers fut assiégé et pris ; le royaume belge fut définitivement constitué. La Grèce reçut aussi la consécration de son indépendance ; le roi Othon débarqua dans le nouvel état, et les troupes françaises qui avaient continué d’occuper la Morée en partirent le 13 août 1833, emportant, pour la France et son gouvernement, les témoignages de la reconnaissance du nouveau peuple grec, héritier du plus ancien et du plus glorieux des peuples civilisés de l’Europe. L’Espagne aussi reçut à cette époque d’éclatantes preuves du bon vouloir et de l’influence du cabinet du 11 octobre 1832 : le roi Ferdinand VII mourut le 29 septembre 1833, laissant sur le trône, qu’il avait si déplorablement occupé, sa fille enfant, la reine Isabelle, sous la régence de sa mère la reine Christine ; les modérés espagnols et même les libéraux ardens embrassèrent vivement sa cause contre les prétentions de l’infant don Carlos ; on croyait alors que la question contenue dans cette rivalité était celle de savoir si l’Espagne resterait plongée dans sa stérile ornière ou si elle recommencerait, avec plus d’expérience et dans de meilleures conditions, l’œuvre de sa régénération politique. Le cabinet français prit sur-le-champ sa résolution : « Il a été décidé d’abord, écrivit le duc de Broglie à M. de Rayneval, que nous manifesterions notre intérêt pour la cause de la jeune reine Isabelle par quelque chose de plus qu’une simple reconnaissance. Désirant ensuite que l’on n’interprétât point à Madrid notre empressement à nous déclarer en faveur de cette cause comme impliquant le projet de dominer le gouvernement de la reine, nous avons résolu de n’agir, dans aucun cas, sans la demande expresse de ce gouvernement et de ne rien entreprendre en définitive que de la manière et dans la mesure qu’il jugerait lui-même convenables ; mais en même temps nous avons positivement établi que nous entendions demeurer libres d’examiner, de discuter et d’accorder ou de refuser ce qui pourrait nous être demandé par l’Espagne… Aussi longtemps que son gouvernement marche et agit avec ses