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les quelques mois qui précédèrent la chute de Charles X, dit le duc de Broglie, trois sièges épiscopaux étaient devenus vacans. Leurs noms, je ne les retrouve ni dans ma mémoire, ni dans mes notes. Quoi qu’il en soit, il y avait été pourvu ; les choix avaient été agréés à Rome, et les successeurs préconisés en consistoire ; il ne restait plus qu’à les installer. Nous n’y faisions aucun obstacle lorsque nous apprîmes tout à coup que les nouveaux évêques se refusaient tout net à prêter serment, et n’en prétendaient pas moins qu’on procédât à leur installation malgré leur refus. Là-dessus grande rumeur, grand scandale dans le public et dans la presse.

« En rendant compte au conseil de cet étrange incident, je trouvai le roi très irrité, le conseil au comblé de l’indignation ; tous les ministres, même les plus modérés, criaient à l’envi qu’il fallait faire un exemple, un grand exemple.

« Mais cela était bientôt dit. Que faire ?

« Nous n’avions pas qualité apparemment pour déposer des évêques régulièrement nommés, canoniquement institués. Différer indéfiniment leur installation et les prendre en quelque sorte par famine, il aurait fallu pour cela s’entendre avec les chapitres et avec les vicaires capitulaires, qui sans doute ne s’y seraient pas prêtés, en supposant qu’ils en eussent le droit.

« L’affaire ayant été débattue avant mon arrivée, l’un des membres du conseil, M. Dupin, je crois, avait ouvert l’avis de faire saisir le revenu épiscopal jusqu’à prestation du serment, et cet avis semblait prévaloir. Je m’y refusai péremptoirement. C’était un pur acte de violence, c’était agir sans l’apparence du droit ; c’était chose sans exemple, sans antécédent qu’on pût invoquer avec l’ombre d’une analogie. Prévoyant l’orage, j’avais préparé sur ce sujet un petit travail sans réplique, et, la discussion s’échauffant, j’ajoutai, me trouvant presque seul de mon bord, que ce serait commencer la guerre de gaîté de cœur, la guerre avec l’église, guerre dont nul d’entre nous ne verrait la fin, et que moi certainement je ne commencerais pas.

« Le roi rompit les chiens, selon son usage, ajourna le conseil, nous chapitra séparément ; puis, venu à moi, il me prit à part. — Au fait, me dit-il, que voulez-vous ? Où entendez-vous en venir ?

« — Je n’en sais rien encore, lui répondis-je ; mais je sais très bien ce que je ne veux pas. Je ne ferai pas, les yeux ouverts, une sottise énorme et gratuite. Nous avons affaire à trois récalcitrans que le corps du clergé ne soutient point jusqu’ici, et ne soutiendra point, selon toute apparence, si nous ne nous donnons aucun tort envers eux. Ils sont clairement, eux, dans leur tort ; l’obligation du serment leur est imposée, non par le roi, mais par le concordat de 1801 ; la formule du serment est réglée en propres termes, c’est