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campagnards qui fuyaient devant l’invasion fut pour la ville une cause d’encombrement d’abord, plus tard de maladies et de famine. Un arrêté insuffisant prescrivait de ne les laisser entrer dans la place que s’ils apportaient avec eux pour quarante jours de vivres ; cet arrêté même ne fut pas exécuté sévèrement. Beaucoup entrèrent sans provisions, d’autres furent pillés en route par les uhlans pendant que notre nombreuse cavalerie, entassée autour de la forteresse, demeurait inactive. Quelques Messins demandèrent inutilement qu’on envoyât des cavaliers pour nettoyer les routes. Rien de ce qui paraissait urgent ne se fit. « Aucune reconnaissance de cavalerie durant toute la campagne, » dit brièvement en note un officier d’état-major dont nous avons le carnet sous les yeux. On laissa enlever vingt sacs de farine à Montigny presque dans l’enceinte des lignes françaises. La ferme de Saint-Ladre, qui renfermait du foin et du blé en gerbes, fut brûlée vers le 25 août par 12 fantassins allemands, quoiqu’il parût facile de protéger contre toute surprise des bâtimens situés entre le fortin Saint-Privat et la place. Après l’investissement, plusieurs fermes bien approvisionnées n’étaient pas encore tombées au pouvoir de l’ennemi. On les signala sans résultat à l’autorité militaire. Le propriétaire du domaine de Colombey offrit le 25 septembre à l’intendance toutes les denrées que renfermaient encore ses granges, et qu’il évaluait à 80,000 francs. Nos troupes avaient passé plusieurs fois par ce point sans rien enlever. Une dernière fois on hésita, on prit mal ses mesures ; le lendemain, les granges presque pleines furent incendiées par l’ennemi. « L’administration ne distribue pas de fourrages, écrit un officier à la date du 27 août, et pourtant de tous côtés autour de Metz il y en a en abondance. On n’a pas voulu les acheter, ils serviront à l’ennemi. »

Que d’angoisses devaient éprouver durant les longs jours du blocus les témoins impuissans de tant de fautes ! Avec quelle secrète inquiétude les habitans de Metz ne suivaient-ils pas la décroissance des vivres, résultat inévitable de l’immobilité de l’armée ! Leur destinée, l’avenir de leur patrie, étaient en jeu sans qu’il leur fût possible de changer le cours des événemens. Avec quelle joie n’eussent-ils pas accueilli le départ de ces soldats dont ils honoraient et admiraient le courage, qu’ils ne rendaient pas responsables de leur inaction, mais qu’ils jugeaient dignes d’un plus noble emploi de leurs forces ! Vers le milieu de septembre, après les longs loisirs qu’on avait laissés aux troupes depuis le combat de Sainte-Barbe, ce sentiment, jusque-là contenu, se fit jour avec une grande énergie. Tous les bons citoyens se demandaient quel serait le terme de tant de lenteurs. Qu’attendait le commandant en chef ? Pourquoi