Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/431

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conditions proposées, mais il n’en pouvait montrer qu’une preuve bien vague, la signature du maréchal apposée sur une photographie à côté de celle du prince impérial. Si le commandant en chef de l’armée du Rhin était trop prudent pour donner d’avance des gages contre lui dans une négociation si ténébreuse, M. de Bismarck était trop habile pour se contenter d’une garantie si insignifiante. Il demanda donc un engagement positif, et il envoya sur l’heure au maréchal Bazaine le télégramme suivant : « le maréchal Bazaine autorise-t-il M. Régnier à traiter de la reddition de l’armée de Metz en restant dans les conditions convenues avec ce dernier ? » Parmi ces conditions, il y en avait une qui demeurait en suspens, qu’avait exigée le prince Frédéric-Charles, mais à laquelle le maréchal n’avait pas voulu consentir : c’était la reddition de la place de Metz. Sans cette clause, le général prussien ne voulait accorder ni la libre sortie, ni la neutralisation de l’armée. On ne put se mettre d’accord sur ce point capital. Le maréchal Bazaine répondit à M. de Bismarck : « Je ne puis répondre affirmativement à ces questions. J’ai dit à M. Régnier que je ne pouvais disposer de la capitulation de la place de Metz. »

La négociation en resta là pour cette fois ; elle devait être reprise quelques jours plus tard par le général Boyer, envoyé le 12 octobre à Versailles après une délibération du conseil de guerre, où l’on décidait à l’unanimité que l’armée tiendrait sous les murs de Metz jusqu’à l’entier épuisement de ses vivres, qu’elle ne ferait plus d’opérations autour de la place, qu’on entrerait en pourparlers avec l’ennemi pour traiter d’une convention militaire. Le général Coffinières de Nordeck demanda inutilement qu’avant de négocier d’une manière définitive, on tentât du moins le sort des armes. Cette proposition fut écartée par la majorité du conseil. On espérait, dit-on, obtenir de M. de Bismarck que la place de Metz fût exceptée de la convention et laissée libre de se défendre, que les blessés fussent évacués, que l’armée se retirât avec armes et bagages dans le sud de la France ou en Algérie, pour y rester jusqu’à la fin de la guerre.

Lors même que les Prussiens n’auraient pas connu exactement la triste situation de l’armée de Metz, la mission du général Boyer leur révélait sa détresse. Il ne s’agissait plus pour elle de combattre ; elle était évidemment à bout de vivres, elle ne cherchait plus qu’à sortir de la place aux conditions les plus favorables. On n’avait plus devant soi des combattans, on avait des affamés dont chaque jour diminuait les forces ; il suffisait de gagner du temps pour les réduire à la dernière extrémité et les contraindre à se rendre. A quoi bon leur accorder quinze jours plus tôt des conditions auxquelles