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le 16 septembre au prince Frédéric-Charles ce qui se passait au dehors. Cette démarche toute politique, si peu conforme aux usages de la guerre, apprit tout de suite aux Prussiens qu’au quartier-général du Ban-Saint-Martin on était plus disposé à négocier qu’à se battre. Eux-mêmes, qui n’avaient jamais songé, comme ils en conviennent, à employer la force pour s’emparer de Metz, qui ne comptaient que sur la famine pour nous réduire, qui d’ailleurs ne savaient pas encore s’il leur serait plus avantageux de traiter avec la république qu’avec l’empire, se placèrent volontiers sur le terrain où l’on essayait de les amener. L’habile réponse du prince Frédéric-Charles, où le vrai et le faux se confondaient, ne devait ouvrir au maréchal Bazaine que des perspectives pacifiques. Le roi de Prusse, lui disait-on, continuait sa marche victorieuse sur Paris sans rencontrer de résistance, et la république, proclamée dans la capitale, ne ralliait pas tout le pays. C’était insinuer à mots couverts que la guerre allait finir, mais que la question politique commençait ; c’était surtout confirmer le maréchal Bazaine dans la résolution de ne rien entreprendra pour un gouvernement de hasard directement menacé par deux armées prussiennes, déjà contesté dans le reste de la France. Au moment où le commandant en chef de l’armée du Rhin venait d’entrer si malheureusement dans la voie des négociations qui devait lui être si fatale, sa mauvaise fortune plaçait sur son chemin un dangereux tentateur, envoyé peut-être de Ferrières, pour le sonder et pour le séduire. Le 23 septembre, à neuf heures et demie du soir, frappait à la porte du quartier-général un personnage mystérieux, soigneusement enveloppé, qui, arrivant des avant-postes prussiens, demandait à parler au maréchal et s’enfermait immédiatement avec lui. Quel était cet inconnu ? quelle mission remplissait-il ? On ne le sut que plus tard. Il s’appelait Régnier, il arrivait de Londres ; il venait de voir M. de Bismarck en traversant la France, et il travaillait secrètement à une restauration bonapartiste. Dans la curieuse brochure où il raconte ses voyages, il se représente lui-même comme un simple volontaire de la cause impériale, n’ayant reçu mandat de personne, uniquement inspiré par le désir de servir la dynastie de son choix, et par elle le pays. Ces déclarations sont peut-être sincères ; mais M. Régnier conviendra qu’en voulant servir la France et l’empire il n’a servi que M. de Bismarck. L’impératrice, qu’il essaya d’abord de voir à Hastings, ne consentit pas à lui ouvrir sa porte ; il ne se découragea point et écrivit. Dans trois lettres successives, il exposa les deux idées suivantes : il croyait en premier lieu que le roi de Prusse traiterait plus volontiers avec l’empire qu’avec la république ; il demandait en second lieu que le gouvernement impérial, qui avait disparu, s’affirmât au contraire d’une